Temps de lecture estimé à : 14 minutesQueer-Baiting : le souci derrière les représentations LGBT dans les médias

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Salutation, on va parler Queer-Baiting… tu penses toujours qu’il y a trop de personnages gays dans les séries Netflix ? Eh bien, nous aussi. En vérité, l’on peut clairement se poser la question de leurs rôles dans les séries. Une idée ? 10.2% de personnages queers à l’écran, et grâce à Pose.

Le souci du Queer-Baiting : juste du fan service ?

Maintenant que les bases sont posées, je vais t’expliquer pourquoi tu as raison en quelque sorte. Le souci, ce n’est pas de mettre des personnages queers dans des séries.

Au contraire, ça pourrait être une bonne chose. Le problème, c’est d’instrumentaliser les personnages queers pour se donner une bonne image. Un peu comme les entreprises qui revendiquent le drapeau arc-en-ciel durant le mois des Fiertés, mais qui en interne sont homophobes et transphobes.

A la manière de Quantic Dream qui prenait Elliott Page en effigie féministe pour son jeu Beyond Two Souls, mais dont le comportement de Cage au sein de l’entreprise était problématique. Deux poids, deux mesures.

Le second souci, et pas des moindres : jouer avec le public en présentant une romance qui pourrait être queer. Dans le sens, où de nombreuses oeuvres de fictions appâtent un certain public en mettant en scène des relations ambiguës. Sauf que ces relations n’aboutissent à rien, permettant aux auteurs d’attirer des spectateurs queers sans pour autant se mouiller.

Prenons la Reine des Neiges, par exemple ; Elsa se revendique comme une héroïne lesbienne, mais à aucun moment cela n’est confirmé dans les films. Pourquoi ? Parce que malgré tout, Disney reste puritain. Un autre exemple ? C’est celui de LeFou dans la Belle et la Bête que l’on suppose amoureux de Gaston. Cela reste dans le sous-texte du film. Si on n’y prête pas attention, il n’y a rien qui indique que LeFou est gay. Si l’Alabama censure LeFou, car Disney revendiquait l’homosexualité du personnage, sans se jeter réellement à l’eau.

Le Queer-Baiting n'épargne pas les séries pour adulte

Du côté de séries plus adultes, ce n’est pas mieux. Prenons Hannibal entre autres, avec Mad Mikelsen en tête d’affiche pour jouer le célèbre psychiatre. Dans les deux premières saisons — je n’ai pas regardé la dernière, suite à un certain épisode dont j’ai jugé l’écriture RIDICULE —, il y a une forme d’homo-érotisme qui nait entre Hannibal et Will Graham.

Leur relation est ambiguë, et ambivalente. Partagée entre le dégoût et la fascination, au point qu’on peut se demander si Will ne subit pas le syndrome de Stockholm. Dans tous les cas, la série joue avec les attentes du public pour établir une relation entre les deux. Sans pour autant réellement la confirmer dans les deux premières saisons.

Les occasions ratées dans les oeuvres de cultures populaires sont nombreuses, et assez frustrantes. Non seulement cela berne le public queer qui aimerait plus de représentations, mais aussi ça n’éduque pas.

Sera, héroïne transgenre de l'univers Marvel pour parler de Transphobie

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, la culture populaire a une grosse influence au sein de la société. Une grosse partie de la population regardent les films, les dessins animés, et les séries. L’engouement qu’il y a eu pour Orange in the New Black le montre, car cette série a montré à l’écran des lesbiennes. Celles-ci sont encore plus rares que les personnages masculins homosexuels, et ne parlons pas des personnes transgenres !

Le Queer-Baiting dans les comics

Mais l’on est encore au stade, où les firmes se vantent de mettre des personnages gays pour paraître inclusives. Prenons Marvel, et son Avengers Endgame par exemple ; à sa sortie, Marvel se vantait de mettre en scène un personnage gay… Cependant, cela ne se trouve que dans une scène du film, lorsqu’un homme parle de son rencard avec un autre homme. Et c’est tout. On parle d’une scène qui doit durer deux minutes à l’écran, et qui n’a aucun impact dans le film. Surtout : on ne reverra pas ce personnage par la suite.

Le pire dans tout ça, c’est que les comics mettent déjà des personnages queers en scène, afin d’essayer de représenter un maximum de personnages. Si la version papier de Marvel a compris l’importance de la représentation, ce n’est pas le cas des versions séries ou cinéma. Sera par exemple, est une femme transgenre, devant faire sa première apparition au cinéma dans Thor 4. Aura-t-elle une mise en scène digne de son histoire ? Ou bien, comme Loki et sa série Disney +, ça restera un bout de phrase balancé en arrière-plan ? Une occasion ratée de parler de non-binarité, alors que l’aspect genderfluid — le genre de Loki est fluide — aurait pu être un outil créatif.

Le Queer-Baiting est-il un vrai fléau ?

On devrait n’en avoir rien à faire, oui, seulement et seulement si le fait d’être homosexuel ou transgenre ne mettait pas nos vies en danger. En 2021, les meurtres homophobes et transphobes existent encore. Certains pays interdisent même cela, et la France n’est pas en reste ! Les thérapies de conversion ont été interdite en Octobre 2021, alors que le gouvernement se vante de son inclusivité en élisant  Darmanin. Wow. Antagonise, tu tapes du poing sur la table, je ne te lis pas pour ton MILITANTISME !!!

MDR

Si on se fichait réellement de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre d’un personnage, pourquoi autant de personnes râlent qu’il y a trop de personnages gays dans le catalogue Netflix ? Si vous prétendez suivre une série pour son histoire et non ses personnages, cela ne devrait pas vous toucher plus que ça. Le Queer-Baiting, c’est cocher les cases de l’inclusivité sans réellement se mouiller, et cela ne fait pas avancer les combats. C’est comme si nous étions un accessoire pour les réalisateurs, que l’on peut mettre et enlever à sa guise. C’est une insulte.

L'importance des représentations

Je n’arrête pas d’être non-binaire et trans’ quand j’enlève mes chaussures, cela a un impact sur ma vie en général. Il suffit qu’un jour j’explique que je suis non-binaire à une personne intolérante, et ma vie est alors en danger. Dans les cas moins extrêmes, je vais me faire moquer et rejeter, cela va invalider mon existence. Je ne suis pas qu’une personne non-binaire.

Je suis un individu, mais ma non-binarité influe sur ma vie, mes choix, et peut me mettre en danger. Mon existence est politique, alors quand je vois ce que Loki aurait pu être sur Disney +, j’ai le droit d’être en colère. Car pour une fois j’aurais pu être représenté à l’écran.

Alors oui, on devrait n’avoir rien à faire de ça dans une série, mais ce n’est pas le cas. De plus, juste représenter des personnages gays ne suffit pas.

LeFou, exemple de Queer-Baiting dans la Belle et la Bête chez Disney

Dans le sens où nous sommes confrontés à l’homophobie tous les jours. Il n’y a qu’à voir comment France — par exemple —, le mot « pédé » est utilisé, et surtout banalisé. Ou qu’il aura fallu attendre 2018 pour qu’une série comme Plus Belle la Vie mette en scène des personnages gays. À côté de cela, la série Desperate Housewive en parlait dix avant. Et surtout dénonçait les thérapies de conversion aux États-Unis. La relation entre Brie et son fils évoluaient vers une compréhension mutuelle.

L’homosexualité d’Andrew servait à l’intrigue, en plus de dénoncer une pratique courante aux USA. Bien sûr, l’écriture d’Andrew ne s’arrêtait pas à que ça, mais elle était politique. Combien de personnes ont ouvert les yeux grâce à ce passage ?

Des hommes gays, surtout portés à l'écran

Les médias donnent la part belle aux hommes homosexuels. Comme le témoigne la série Queer As Folk qui ne montre — en tout cas dans les premières saisons — qu’un couple de lesbiennes avec certains clichés dont on se serait passés. Tandis que des séries plus récentes comme 13 Reasons Why mettent en scène surtout des adolescents garçons gays ou pansexuels. Si 13 Reasons Why parlent du coming-out lesbien de Courtnay auprès de ses parents eux-mêmes gays, force est de constater que ce sont encore les hommes mis à l’honneur. Je ne dis pas que c’est mal, et qu’en soi, le développement que connaissent les adolescents se découvrant bisexuels ou homosexuels n’est pas intéressant — la série aborde même la masculinité toxique, et l’homosexualité refoulée —, mais j’aurais aimé un peu plus de diversité. C’est un début, certes, mais on montre encore à l’écran la même catégorie de personnes queers.

Je disais dans mon introduction que Pose mettait en scène des personnages transgenres, et le tour de force de Ryan Murphy est de laisser des personnes concernées les jouer.

Même s’il est habitué aux séries horrifiques comme American Horror Story ou Ratched, il choisit toujours les concernés pour jouer des personnages qui leur ressemblent, en incluant leurs problématiques dans ses oeuvres.

Par exemple, la saison 2 d’Amerian Horror Story montre la violence psychiatrique à l’égard des personnes homosexuelles  — c’est aussi le cas dans Ratched —, alors que la saison 4 dénonce la précarité  des populations gays avec le personnage de Dandy, hétérosexuel, mais qui tue principalement des hommes gays parce qu’il sait que leurs disparitions ne lui porteront pas préjudice.

Les clichés véhiculés par les médias au sein du Queer-Baiting

Néanmoins, il n’y a pas que les gays qui existent. Après tout, si l’acronyme LGBTQIA+ est aussi long, ce n’est pas pour rien. Les personnages transgenres et non-binaires existent peu au sein des médias. Si Pixar souhaite introduire un personnage transgenre dans son prochain film, en cherchant une doubleuse concernée, la plupart des oeuvres pour les adolescents et les enfants sont encore frileux. Si la littérature pour adolescent s’ouvre vers plus d’inclusivité — et c’est une bonne chose ! —, le « grand public » n’y a pas encore accès.

En France, par exemple, les films comme « Miss » ou « A Good Man » ne donnent ni la réalité de ce qu’est être une personne transgenre. En plus d’invisibiliser la parole des personnes concernées. Surtout lorsque les réalisateurs se vantent de faire un film sur une personne transgenre en s’étant inspirés de « La cage aux folles » et de « qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu ».

Les personnages transgenres à l'écran : le problème.

Je parle de « Un homme heureux », Catherine Frot incarne le personnage principal. C’est l’actrice transgenre Pomme Ferron qui a sonné l’alerte, puisqu’elle a eu accès au scénario du film. Dans lequel le deadname du personnage principal arrive à toutes les lignes. De plus, comme Pomme Ferron le dit : « on ne montre que les transitions », ce qui démontre encore une fois la romantisation et la fétichisation fait sur les corps des personnes transgenres. Comme si pour le public cisgenre, ce que nous vivons au quotidien et notre droit à exister se résumaient à souffrir « d’être dans le mauvais corps ». Et cela est plus que problématique. Il n’y a qu’un seul récit, toujours repris par les personnes cisgenres, qui ne semblent pas plus renseigner sur le sujet que le scénariste du film Split l’a été sur le TDI.

Le film Miss en Queer-Baiting

On peut espérer que le coming-out transgenre et non-binaire  d’Elliot Page pourrait ouvrir la voie sur les représentations au cinéma. Si pour beaucoup il s’agit d’un coup médiatique — lol —, c’est un acte avec une forte portée politique ; contrairement à ce que l’on peut penser, Elliot Page risque sa carrière d’acteur pour vivre en adéquation avec ellui. Si Elliot Page joue un personnage féminin dans Umbrella Acadaemy, espérons que son coming-out lui permettra de jouer des rôles qui lea concernent, et que cela ouvrira la voie.

Le cas Good Omens : du pur Queer-Baiting ?

Si Nail Gaiman nous a déjà habitué à mettre en avant des personnages queers, comme c’est le cas dans American God, peut-on dire que c’est le cas de Good Omens ? À l’instar d’American God, Amazon Prime diffuse Good Omens. Il s’agit d’une série feel good, parlant du combat de l’ange Aziraphale et du démon Crowley pour éviter la fin du monde, lorsque l’antéchrist apparait sur terre. Pour avoir lu le livre et vu la série, Good Omens arrive à parler d’amour sans en parler.

Affiche de la saison 2 de Good Omens

Beaucoup de personnes Queers pensent qu’Aziraphale et Crowley forment un couple, même si ce n’est jamais clairement admis dans la série et le livre. Cependant, beaucoup de points le démontrent, comme la scène final où chacun tiennent la main d’Adam, en figure homo-parentales. Nail Gaim affirme lui-même que tous les deux sont en couples, et l’affiche annonçant la saison 2 va dans ce sens. Cependant, Aziraphale est un ange, et comme le dit le narrateur dans la série, les anges sont asexués. Ici, ce n’est pas tant l’homosexualité qui est montrée. On aborde une sexualité peu connue : l’asexualité.

L’asexualité est une orientation sexuelle se définissant par l’absence de désir sexuel. Les personnes asexuelles ne sont pas « cassées », et n’ont pas à être « réparée ». Comme la non-binarité, l’asexualité fait partie d’un spectre. L’on pourrait se demander si Good Omens présente un couple d’hommes gays asexuel afin de ne pas montrer leurs rapports ? Mais ce serait oublié qu’American God dont Gaiman est l’auteur montrait des scènes homosexuelles explicites.

La saison 2 de Good Omens ira-t-elle à l'encontre du Queer-Baiting ?

Le tour de force du couple Aziraphale/Crowley, au-delà du fait qu’ils s’incluent dans un univers chrétien, c’est qu’ils prennent le sens du mot « amour » au sens large. De plus, Crowley a une expression de  genre libre, et il est le premier à s’habiller en femme lorsqu’il s’agit de se faire passer pour la nounou du supposé antéchrist. Pour ma part, j’aurais tendance à considérer Crowley comme genderfluid, parce que je n’ai pas pu voir autrement ce personnage ainsi à l’écran.

Dans tous les cas, peut-on parler de Queer-Baiting dans Good Omens ? Je pense que l’on pourra voir cela au cours de la saison 2, afin de constater si l’intrigue confirme qu’Aziraphale et Crowley entretiennent une relation amoureuse. Toutefois, tout l’indique déjà — ou presque — dans la première saison. Ne serait-ce parce qu’ils mangent régulièrement ensemble, qu’ils fonctionnent en duo, et le premier épisode où Aziraphale ouvre son aile pour protéger Crowley — ce à quoi l’affiche de la saison 2 fait allusion — est assez parlant. De plus, Crowley s’adresse rarement à Aziraphale en utilisant son prénom, il dit plutôt « mon ange ». De quoi avons-nous besoin de plus comme argument ?

Asexualité : entre manque de représentations et fantasmes

Pour conclure sur l’asexualité, il y a – à ma connaissance – qu’une seule représentation dans les séries d’un personnage ouvertement asexuel. Il s’agit de Todd de Bojack Horseman. Un adulescent passant les premières saisons de la série à dormir sur le canapé du protagoniste. L’un des drames que rencontrent Todd au cours de la série est sa prise de conscience de son asexualité. Puis de sa difficulté à relationner avec des femmes dès lors. L’écriture de Todd ne se base pas que sur cet aspect. Mais Bojack Horseman a le brio de parler d’asexualité sans cliché, avec une certaine finesse, et d’éduquer les gens sur la question.

En conclusion, le Queer-Baiting ?

Le Queer-Baiting, c’est mal. Il est souvent fait pour les mauvaises raisons. Il éloigne les problématiques LGBTQIA+ afin de glaner quelques cookies, et se vanter d’être inclusif. Nous n’avons pas besoin d’une relation supposément homo-érotique entre Hannibal Lecter et Will Graham, mais de personnages aux histoires diversifiées qui ne rentrent pas dans les clichés. Et pour cela, nous avons besoin que ce soit des personnes concernées par la question qui s’en chargent, afin d’éviter les écueils comme « Miss » ou « Un homme heureux » qui en font que remplir le tiroir à clichés. Nous sommes en 2022, et nos vies sont toujours en danger, ou considérez comme une « plaisanterie » dans les médias. Nous existons, et nous voulons être représentés au-delà d’un Queer-Baiting bâtit autour du fan-service.

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