Temps de lecture estimé à : 10 minutesLove Simon et les Amitiés Particulières
Et si l’on parlait un peu de Love Simon et des Amitiés Particulières ?
À en croire les grandes surfaces, le 14 février ne devrait pas tarder à arriver. Et en ce jour de fête de l’amour, il est temps de revenir avec un ton plus grinçant qu’habituellement. À croire que pour le marketing, seuls les hétérosexuels fêtent la Saint-Valentin. Cela me fait penser aux reproches que j’entends souvent, lorsqu’un couple non-hétéro est représenté dans une série ou un film : cette romance n’est pas nécessaire, on s’en fiche. Ah. Le paradoxe avec cette remarque, c’est qu’on ne l’entend jamais lorsqu’il s’agit de couples hétéros. Même lorsque la romance n’est qu’accessoire et ajouter parce que… qu’est-ce que serait un bon film d’action sans que le héros mâle pêchote la jolie blonde ?
Mais nous sommes en février, et nous y célébrons l’amour. Mais je ne vais pas brasser large, je vais même réduire cet article à un seul angle ; alors exit les énièmes love stories entre Jennyfer et Kevin. On va parler gay, et plus particulièrement de deux oeuvres. Peut-être reviendrais-je plus en profondeur sur la manière, dont les réalisateurs hétérosexuels décident de représenter l’homosexualité au cinéma, mais on sait tous que cela risque de finir en pamphlet hétérophobe.
(Calmez-vous, l’hétérophobie ce n’est qu’un dahu, une licorne éco + sans les paillettes.)
Love Simon : un roman ado traitant d'homosexualité
Bref. Je pense que les adolescents queers d’aujourd’hui ont un peu plus de chance que nous en matière de littérature. Ils ont accès à des oeuvres qui les concernent directement, sans faire de pathologisation de romances non-hétérosexuelles. Iels sont représenté·es dans les livres, et peuvent même être le sujet central. L’exemple qui me vient en tête, c’est Love Simon, ou plutôt : Moi, Simon, 16 ans, homosapien, adapté au cinéma. Pour ma part, j’ai aimé autant le roman que le film, et les deux sont assez feel good.
Pour vous résumer, on y partage la vie de Simon, un adolescent de seize ans gay. Il entretient une correspondance avec un autre jeune homme du nom de Blue, qui va au même lycée que lui, mais dont il ne connait pas l’identité. Un jour, alors que Simon utilise l’ordinateur du lycée. Il oublie de se déconnecter, et un élève découvre alors la vérité.
On y suit les mésaventures de Simon. Il doit faire face au chantage de son camarade, ainsi que sa romance avec Blue dont il aimerait connaître l’identité. Le roman présente des chapitres « tranche de vie », et d’autres qui sont les correspondances entre Simon et Blue. Le roman est assez léger, malgré qu’il aborde l’homosexualité à l’adolescence.
Love Simon, un feel good movie ?
Pour une fois, celle-ci n’est pas démontrée comme problématique ou source d’énorme souffrance pour le héros. Le film utilise même ce cliché pour le détourner. Et il essaye de mettre le public hétérosexuel face à sa propre homophobie, bien plus insidieuse que l’on croit. Je me souviens d’un passage où le père de Simon tient des propos homophobes devant lui. C’est la petite soeur de Simon qui intervient, afin de lui dire qu’il est problématique.
Le père de Simon n’est pas le cliché de l’homophobe violent qui va mettre son fils à la porte. Mais il reste un homme, cis, blanc, hétéro, avec l’éducation normée qu’on lui a donné. Le roman et le film abordent le thème du coming-out, et surtout de l’outing. Pour celleux ne sachant pas ce que c’est, il s’agit de dire à la place de la personne concernée qu’elle n’est pas hétéro ou cis, par exemple. Sans son autorisation. Cela ne se fait pas, et peut mettre en danger la personne si on le dit aux mauvaises personnes. Bref, c’est plus que déplacé, et les queers ne sont pas des pokemons rares, dont on parler de leurs particularités.
Love Simon : une oeuvre jeunesse qui dénonce l'homophobie
Love Simon aborde ce sujet. Il y a cette phrase assez juste de Simon : le coming-out est un choix qui m’appartient. Souvent, c’est un processus de réflexion, long, intense, et ce n’est pas à une personne extérieure d’en parler. Faire un coming-out — ou non — est une décision, il s’agit de nos vies. Enfin, le film a quelques petits plus que le roman n’a pas. Il joue avec les clichés qu’ont les hétéros sur les gays. Je me souviens de ce passage où Simon se projette dans une comédie musicale style Glee.
Comme si forcément, tous les gays aimaient ce genre. Ou encore de la parodie de coming-out inversé. Dans le sens où l’on voit ses amis dévoiler à leurs parents qu’ils sont hétérosexuels, qui ne comprend pas ce qu’ils ont « raté » dans leurs éducations pour que leurs enfants le soient. C’est de l’humour, certes, mais il démontre de l’absurdité de certaines réactions qu’ont certains parents à vis-à-vis de leurs enfants gays. Ce n’est pas fait avec mépris, mais avec légèreté. L’humour est là pour dédramatiser les situations. Et de ne pas faire de Love Simon un énième film sur la tragédie d’être gay.
Des parents existant et sortant des clichés dans Love Simon
Pour ma part, si je n’ai pas spécialement accroché à la forme du roman — on reste sur de la littérature pour adolescent —, j’ai apprécié l’approche et le message. Il est agréable de voir — aussi — des adolescents entourés par leurs parents.
Traduction : ils ne sont pas morts, ils existent, et interagissent avec leurs ados ! Ou encore des modèles familiaux plus sains. Il y a des passages touchants, et une oeuvre pareille est un vrai bol d’air frais. Je me suis suffisamment attaché aux personnages pour espérer leur bonheur. J’avais aussi hâte que Simon de découvrir qui se cachait derrière Blue. C’est une oeuvre sans prétention, mais qui fait un chouette travail de sensibilisation, qui aborde l’adolescence sans trop de clichés, et de véritables drames — pas comme le fait 13 Reasons Why par exemple. Je la conseille si vous voulez passer un moment agréable, et bienveillant.
Mais que serait le 14 Février sans parler d’histoire d’amour tragique ?
Love Simon : l'importance de ce roman pour les jeunes LGBTQIA+
Une part de moi envie les adolescents LGBTQIA+ de maintenant, qui peuvent grandir avec des représentations comme Love Simon, loin des clichés et avec une fin heureuse. Si on oublie les clichés horribles provoqués par la Cage aux Folles, les oeuvres antérieures sur les romances homosexuelles finissent rarement bien. Quand j’étais assez jeune, j’ai entendu parler pour la première fois de romance gay à la télévision portant sur des adolescents, avec le film « les amitiés particulières ». Même pour moi, le film était assez vieux à l’époque — en noir et blanc, imaginez-vous ça —, mais il abordait la question de l’homosexualité à une époque où l’on considérait encore cela comme une maladie mentale. Malheureusement, une version série TV devait être diffusé, mais… Disney l’a dégagé.
Les Amitiés Particulières
À l’instar de Love Simon, les Amitiés Particulières est adapté d’un roman du même nom. Néanmoins, vous serez surpris d’apprendre que le roman de Roger Peyarefite paru en… 1943. Semi-autobiographie, le roman parle d’une histoire d’amour entre deux adolescents étudiant dans une école catholique.
C’est une oeuvre à la fin tragique, qui m’avait fait assez mal à l’époque lorsque je l’avais vu. Et je crois qu’elle me fait toujours aussi mal. Je parlerais surtout du film — le roman fait partie de ma collection de « je te lirais un jour, je te le promets ». Sorti en 1964 et réalisé par Jean Delannoy. Le film parle donc d’amour homosexuel, entre un jeune homme de 12 ans — Alexandre — et George — âgé de 14 ans — au sein d’une institution catholique, dans laquelle l’un des pères a pour habitude d’inviter des garçons à fumer et boire en soirée.
La photographie du film est poétique, et met assez en valeur la beauté presque surnaturelle d’Alexandre, à la manière d’un Dorian Gray encore naïf. Si le sujet de la pédophilie est abordé avec les prêtres, et pointé du doigt, le film arrive à ne pas rentrer dans le cliché qui est de faire des homosexuels des prédateurs envers les enfants. S’il dénonce l’environnement, dans lequel des hommes adultes profitent de leur pouvoir pour « séduire » des adolescents, ce ne sera pas le sujet principal.
Une histoire de contexte
Au contraire, l’intrigue se centre sur la romance entre George et Alexandre en restant assez pudique — nous restons en 1964 —, d’autant plus qu’il s’agit de deux héros assez jeunes — quoique l’acteur de George m’a toujours mis mal à l’aise, il semble tellement plus vieux qu’Alexandre — , s’échangeant avant tout des lettres. Certains aspects dans l’écriture ressemblent fort à Roméo et Juliette — je pense surtout à la fin tragique et à la « tromperie » de George pour tenter de sauver leurs relations de l’homophobie — , d’autant plus qu’il s’agit bel et bien d’un amour impossible. Ici, on oublie les querelles familiales.
Le principal rival n’est rien d’autre que l’Église, et la société. Cela est d’autant plus hypocrite, lorsqu’on voit le père de Trennes. Si Alexandre et George tentent de vivre leur amour en cachette, les bons pères, conscients de ce qu’il se trame au sein de l’école se montrent particulièrement sévères et surveillent de près les relations entre les élèves. S’il y a un aspect voyeuriste à ça, on voit comment l’Église tente de contrôler la sexualité des enfants et leurs relations.
Une fin tragique
Et évidemment, puisqu’il s’agit d’une romance homosexuelle, celle-ci ne peut que mal finir. Si le film démontre la pureté des sentiments d’Alexandre et de George, ceux-ci se font malgré tout condamner. Alexandre se suicide, ne supportant pas être séparé de George. C’est un mécanisme de narration récurrent au cinéma. Les LGBTQIA+ doivent souffrir pour justifier de leurs existences, et les histoires d’amour finissent rarement bien. Cela était d’autant plus vrai durant les années 1960, où l’on pratiquait les thérapies de conversion dans les asiles psychiatriques.
Parler d’amour, c’est « bien », mais si celui-ci est gay, alors les héros ne peuvent que souffrir de leurs conditions et de leurs « pêchers ». Je n’oublie pas l’époque à laquelle le film est sorti. Il est symptomatique d’une réalité, et d’une habitude d’écriture que l’on retrouve encore aujourd’hui au cinéma. La mort des personnages gays, c’est le même genre de mécanisme que l’image du meilleur ami noir qui meurt dans les films. Si cela peut prêter à sourire tant, ce cliché est récurrent, il est dommageable de constater qu’il dénonce l’homosexualité comme une fatalité plutôt que l’homophobie dont il est issu. Nous ne souffrons pas d’être queer, mais du regard violent que la société porte sur nous.
Le problème dans les représentations d'amours gays
Nous sommes en 2021. Des films comme Love Simon mets en avant des relations entre adolescents homosexuels de manière bienveillante et saine. Toutefois, il ne faut pas oublier le cinéma d’avant qui romantisaient et fétichisaient les relations homosexuelles. Il n’y a qu’à voir comment d’autres films ont mis en scène l’amour homosexuel, avec une régularité dans souffrance de ses personnages, c’est un mécanisme du queer-coding. Comme si ça excusait ce qu’ils étaient (Adieu ma Concubine, Call me by Your Name, etc), alors que les couples hétérosexuels ne méritent pas ce développement. Bien au contraire, on y a droit à la moindre occasion. Surtout lorsque cela n’a aucune importance dans l’intrigue. Ou que la relation est à peine plus développée que le féminisme de J.K Rowling. Sérieusement, pourquoi tous les personnages de Harry Potter finissent en couple, ou presque ? Berk.