Temps de lecture estimé à : 13 minutesMiliter sur le net est-il un non sens ?

En vérité, je ne sais pas comment aborder cet article et voir en face si ma façon de « militer » avait encore du sens. Surtout sur le net. Cela fait près d’un an que je n’ai rien posté sur ce blog, et je vous dois quelques explications. J’en avais déjà fait part sur Instragram, vite fait sur Twitter. Mais après un an presque d’arrêt, est-ce qu’on peut parler d’un burn-out militant ? Dans ce que je fais, suis-je assez légitime pour militer ? D’autant plus à la date d’aujourd’hui.

Le 28 Juin, c’est l’anniversaire des émeutes de Stonewall. Mon dernier article était dans la continuité des Prides, afin de sensibiliser les photographes et même les gens à l’outing. Si faire les Prides est toujours un moment exaltant, cela ne m’a pas sauvé. Ce que je veux dire par là, c’est que mon passage à vide n’était pas une « flemme ». Ni le syndrome de la page blanche. C’est plein de petites choses. Comme la montée en puissance des LGBTpobies.

Militer et burn-out : les causes

Il faut savoir quelques petites choses sur moi. Mon vécu, le caractère inné de certains de mes soucis, ma passion ? Tout cela fait que quand un sujet m’intéresse, je vais me donner à 300%. Finir Bloodborne en 3 jours la première fois ? Je l’ai fait.

Passer une semaine à faire que des origamis en forme de manchots ? Aussi. C’est tout le temps ainsi. Le souci c’est que cela finit par me brûler. Sans le remarquer, tout mon carburant se vide et je me retrouve à devoir avancer sur du rien.

En outre, cela est aussi profitable à des personnes malintentionnées, notamment dans la sphère pro’. Aujourd’hui, néanmoins, j’ai la chance de travailler avec quelqu’un qui arrive à canaliser cela.

 

Pour militer sur le net, j’ai déployé énormément d’énergie. Dans la création de contenu, dans la compréhension des algorithmes. Dans la création d’un site web, du montage vidéo, de la photo, etc. Si cela m’a permis d’acquérir énormément de compétences, mon cerveau a fini à court de carburant créatif. 

 

Pourtant, avant que cela arrive, j’avais encore du contenu en réserve. À montrer et à publier.

Une photo prise pendant une marche des fiertés, avec les gens de dos, et le drapeau non-binaire, afin de militer pour les droits des queers

Et je ne l’ai pas fait.

Manque de motivation, des petites pensées parasites : à quoi bon ? Est-ce que cela sert encore à quelque chose de militer ? En outre, il y avait l’image de moi à moi. Si la photographie et la mise en scène permettent une expression du « moi » affirmée, cela a été (est) aussi vecteur de dysphorie.

Puis les débats, avec les trolls. Mes tentatives de prouver que nos existences trans’ étaient légitimes auprès d’eux m’ont épuisé. Constater qu’importe la personne derrière l’écran, ce sont toujours les mêmes arguments qui revenaient, c’est lassant. Puis il y a eu cette vidéo, postée sur Instagram.

Militer : le début de la fin ?

Je l’avais déjà posté sur Tik-Tok, comme précisé dans la vidéo. Le but, c’était de prendre une journée type de ce que tant de personnes transgenres vivent au quotidien. Le mégenrage, le fait que l’on se sente OBLIGÉ de tout genrer.

Je voulais malgré tout qu’elle finisse sur une note joyeuse, car c’est cela aussi mon quotidien à moi. La personne qui partage ma vie, et qui me démontre tout le temps son soutien.

Si sur Tik Tok, j’ai reçu énormément de commentaires pour me soutenir, des questions respectueuses pour mieux comprendre la dysphorie, cela n’a pas été le cas sur Instagram. Du moins, pas tout à fait. En vérité, il a fallu d’un seul crétin et de deux ou trois commentaires allant dans son sens pour lancer la machine.

Au passage, je remercie les personnes qui ont pris le temps de débattre avec lui, et de m’avoir soutenu.

Par ailleurs, cela a été le symptôme d’autre chose. J’ai reçu en MP, une remarque allant dans le sens du commentaire transphobe. « Mais à voir comment tu veux le censurer, oui, on se demande si mentalement ça va ».

Ah.

Je rappelle que la transphobie ce n’est pas une « divergence d’opinions ». J’ai (encore) pris le temps d’expliquer. En outre, cette explication a servi de brouillon à l’article sur le débunkage du discours transphobe. Cette personne, cela faisait des années qu’on se connaissait via des réseaux. Et iel n’a jamais répondu à toute mon explication.

J’ai été blessé.

Militer sur le net : avant et après

Cela a été – je pense – l’élément déclencheur. Parce qu’avec mon éveil militant, même si j’avais un pied dedans à force de lire et de me renseigner, j’ai peut-être pris conscience de la gravité de la situation. Dans l’un de mes posts pour justifier mon absence, je parlais de ma déprime de voir comment les discours d’extrême droite ont été banalisés.

J’ai essayé de combattre. De débattre, avec des arguments, des preuves. Moi aussi, j’ai bêtement cru qu’il fallait combattre les nazies sur le terrain des idées. À quoi cela a servi ? Et bien À rien. À part m’épuiser mentalement, encore et encore. 

Cette vidéo ci-dessous résume assez bien la situation.

 

Militer quand la situation se dégrade

Un an après, où en est-on ?


C’est de pire en pire.

Aux États-Unis, la sortie de l’IVG dans la constitution a ce qui a permis de censurer les identités queers. Ce qu’il se déroule en Floride à l’heure actuelle est effrayant.

En France, avec la médiatisation de Moutot et de Stern qui hurlent à la cancel culture et font de la transphobie leur gagne-pain, je suis fatigué. Vous savez ce que c’est être transgenre ? C’est commencer en mode hard-core dans un jeu vidéo dont vous ne connaissez rien.

Depuis l’enfance, on codifie votre comportement pour qu’il puisse correspondre au sexe assigné sur votre fiche de personnage. On vous force à porter une armure qui ne taille pas à ce que vous êtes. Puis, vous devez affronter tout le temps des boss et des monstres surpuissants. Si vous gagnez, vous recevez quasi rien.

Il y a une réelle campagne anti-trans’. Des reportages comme celui de Zones Interdites, les magasines qui se font leurs pains sur notre dos pour effrayer le quidam moyen. Ou encore des personnes avec une voix suffisamment forte, comme JK Rowling qui lutte activement contre nous, participent au génocide trans’. Il se met en place.

Puis j''ai ouvert ma gueule sur Twitter

5À force de voir toute la comm’ autour de Howgart Legacy, j’ai sorti un thread sur Twitter pour expliquer en quoi ce jeu était un problème. Entre l’un des leads designeurs qui était un suprémaciste blanc et nazi, JK Rowling faisant des trans’ l’ennemi public à abattre, j’ai sourcé et expliqué. Un maximum.

Je me suis préservé en coupant les commentaires. Le thread a été vu 1 million de fois. Et j’ai été QRT, plus de 300 fois. Mais dedans, je dirais qu’il y avait 80% d’insultes transphobes. On m’a quand même dit que je harcelais JKR, hein.


Faut-il encore parler de Harry Potter ?

Alors, je n’ai pas cherché à répondre et débattre avec ces bigots. J’ai choisis de me contenter de signaler, pas bloquer, mais signaler. Encore maintenant, je reçois encore des notifications pour me dire que mon signalement a servi à punir ces propos. Si je n’ai pas répondu, c’est parce que je ne voulais pas nourrir l’algorithme. J’ai signalé pour voir si celui-ci allait shadow ban ces comptes. On dirait que cela a marché.

Honnêtement, je ne pensais pas que ce thread sortirait en dehors de ma TL. Je ne sais pas trop quoi en penser maintenant. J’espère qu’il aura servi à ouvrir les yeux sur la situation. J’ai eu envie d’écrire plus en profondeur sur Harry Potter et de son impact dans la Pop Culture. Il y a beaucoup de soucis autour de cette œuvre, dans ses représentations, dans sa misogynie. Je sais que cela me ferait des  vues, et me permettrait d’un peu étirer mon audience, mais je ne pense pas que j’aurais encore la force de gérer.

Peut-on militer quand dans la vie perso, ce n'est pas trop ça ?

Du côté de ma vie perso’, sans entrer dans les détails, cela a été un peu compliqué. Je n’ai pas spécialement envie de rentrer dans les détails, mais j’ai voulu tenter quelques trucs. Cela ne s’est pas bien passé, j’ai perdu une première alternance après avoir passé mon été à la chercher. J’ai ma confiance en moi qui s’est dégradée, et j’ai commencé à voir la lumière au bout du tunnel qu’en Janvier. 

Source : Meme pinterest

De Juillet 2022 jusqu’à Janvier 2023, ça n’allait pas trop. J’ai eu des soucis de santé, encore connus des errances médicales. Je sais que j’ai quelques trucs qui « coincent » chez moi, j’essaye de régler cela peu à peu. Dans l’ordre, j’ai été diagnostiqué du Syndrome des Jambes Sans Repos, et du Syndrome des Intestints Irritables. Avec ma moitié, on se demande si on a pas un TDAH, et je repousse les RDV psy ».

Avec l’âge, l’avancée dans mes questionnements sur le genre, je me suis rendu compte combien j’étais abîmé. J’ai passé dix ans de ma vie à dissocier pour survivre, et à mettre de côté mes émotions. Actuellement, j’ai des souvenirs qui remontent, des PTSDs qui impactent mon quotidien. Je n’ai pas envie d’affronter cela. Je n’ai pas encore la force.

Avancer sur ma transition

Je ne sais pas quel est le regard qu’ont les gens sur moi via les réseaux sociaux. Dans tous les cas, tout le temps confronter son image a des impacts sur soi. Ce que je veux dire par là, c’est que ma dysphorie a gagné du terrain. Ne pas passer dans la vie réelle, quand je vois que sur le net oui, c’est douloureux. Je crois — cependant — m’être habitué à cette douleur. Elle s’est transformée en une forme de lassitude, comme quand j’étais enfant. Un genre de bruit de fond.

Je me suis aussi mis « vraiment » à la musculation, après un an de sport chez moi. Notamment grâce à Tik Tok, je me suis sur renseigné sur la musculation comme méthode de « gender affirming ». Ma fierté, c’est d’être passé de 2kg au Développé Couché en janvier 2022 à 10 kg maintenant.

La musculation comme façon d'affirmer son genre

Si je pense que cette année de sport chez moi était nécessaire (j’aime la solitude, j’ai pas à me déplacer), car cela m’a permis d’acquérir une certaine discipline, force est de constater que la salle m’a permis de gagner en muscles. Je ne sais toujours pas faire de pompe, mais je me rends compte que moi, à qui on répétait que le sport n’était pas pour moi depuis que je suis gamin, n’était pas si mauvais.

Parce que la salle, faire de la musculation, c’est une forme de transition. J’ai conscience aussi que c’est un pansement, avant le THS. Une espèce de sursis que je me demande. Hé, de toute façon, j’ai le temps. Le mouvement des muscles mommies me fait aussi du bien, car il m’aide à me projeter un peu plus.

Militer sur Internet, cette terre de débats inutils

Militer sur internet, c’est un combat. Perpétuel. On doit faire de la pédagogie, donner toutes les informations possibles, confronter ses idées. Toutes les discussions ne se valent pas, et dans notre communauté, certains débats me font du mal aussi. Les personnes non-binaires sont-elles trans’ ? Ou pour être trans’, il faut un vécu trans’. D’accord, mais qu’est-ce que cela veut dire ? Un vécu trans’ se limite-t-il qu’à la transphobie ? Laissez les gens s’autodéterminer, bordel.

Ce n’est pas inintéressant, pourtant, ce discours est dangereux. Cela donne l’impression qu’il faut remplir des prés requis pour être un « vrai trans’ », et les personnes non-binaires qui prennent du THS dans tout cela ? Comment va-t-on les considérer ? S’iels ont fait une transition médical, c’est okay, iels sont transgenres ?

Je pense que cela mériterait un post entier, et pour l’instant, je n’ai pas envie d’en débattre. On verra.

Nouvelle stratégie

Concernant les trolls de l’extrême droite, j’ai mis en place quelques trucs pour m’en préserver. Désormais, j’ai arrêté de vouloir être le porte-étendard qui doit accourir au moindre commentaire transphobe. Qu’il soit contre moi ou contre une autre personne. Il y a d’autres façons de montrer son soutien : arrêter d’ouvrir le débat et de se défendre. Bon, j’avoue que j’ai aussi moins de chill qu’avant, et qu’il m’arrive de simplement dire au troll de fermer sa gueule (et ça fait du bien !).

Si ce n’est pas cela, je m’amuse à retourner leurs arguments contre eux. Ou je fais semblant de ne pas comprendre. En gros, je ne perds plus mon temps et mon énergie dans des envolées lyriques. Si le troll ne fait pas l’effort de se renseigner de son côté, il ne le fera pas en lisant les liens qu’on file.

Ma façon de militer ne me correspondait plus

Pour terminer, je pense aussi que l’une des causes de cet arrêt trop long, c’est ma ligne édito. C’est simple, il fallait qu’elle soit claire et précise. Tout d’abord, c’est le meilleur moyen pour fédérer des gens autour de son contenu. Pour autant, mon feed Instagram, je ne m’y reconnaissais plus. Souvent, je m’empêchais de poster des trucs plus OSEF que ce qu’il y avait, afin de ne pas casser le feed et la ligne édito. La vérité, c’est que cela ne me correspond pas. En outre, je ne suis pas quelqu’un de mystérieux et de sérieux h24, je ne suis pas tout le temps un littéraire.

En fait, je me suis enfermé dans une cage, et pendant longtemps, je ne voyais pas que je pouvais en sortir.

Il suffisait d’ouvrir la porte.

Je vais arrêter de me prendre la tête avec la création de contenu. Désormais, je sais où je vais aller dans les prochains mois, mais si je ne tiens pas les deadlines, ce n’est pas grave. En effet, j’ai conscience que j’ai un cerveau très rigide, et je mets des petites choses en place pour lutter contre cela.

 

Militer aujourd'hui

Pour conclure : à cette date, j’aurais dû faire un article pour rappeler les émeutes de Stonewall. D’abord, cela aurait été plus raccord avec ma ligne édito sur le blog, et aussi plus respectueux, j’imagine. Cependant, j’ai déjà repoussé encore et encore l’écriture de cette mise à nue. Par ailleurs, cette date m’a permis de me recentrer, savoir quel contenu je voulais mettre en ligne.

Cette date me rappelle qu’il ne faut pas baisser les bras.

Parce que je ne veux pas de cette société transphobe.

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