Temps de lecture estimé à : 10 minutesMuscle Mommy : analyse d’un phénomène venu des social media

Avec les Muscle Mommy, on peut se demander combien les réseaux sociaux peuvent influencer notre époque. Tout d’abord, j’ai l’impression que ce mouvement a émergé courant 2021/2022 sur Tik Tok ; post confinement en quelque sorte. Et pour celleux qui ne savent pas ce que Muscle Mommy signifie, voici une définition toute simple : des femmes dans la quarantaine/cinquantaine soulevant lourd à la salle. Musclées, comme le nom l’indique, elles n’hésitent pas à travailler le haut du corps et à prendre en masse. Sur Tik Tok, ce petit mouvement a pris de l’ampleur avec des trends tels que : « this is certified your muscle mommy moment », où des femmes musclées se filment en train de flex. Quelques influenceuses sont estampillées Muscle Mommy, comme la catcheuse Rhea Ripley et l’influenceuse Lean Beef Patty.

Si j’ai décidé d’aborder ce sujet dans un article entier, ce n’est pas pour rien. Il y a plein de choses à dire là-dessus : vrai nouveau mouvement ? Comment celui-ci a été approprié par les straights, et surtout, sa façon de redéfinir les normes de beauté.

Parce qu’il ne faut pas se leurrer. Le monde du fitness s’est longtemps fermé aux femmes. Si celles-ci ne sont pas officiellement refusées, force est de constater qu’elles ne sont pas été souvent les bienvenues. Le sport, et la muscu’, c’est un truc de vrai mec. Voyons.

Le fitness et le renouveau de la musculation féminine

Pour autant, depuis quelques années, les influenceuses fitness ont pu montrer qu’une femme avait le droit d’aller à la salle. Si pendant un moment, on a eu droit à des vidéos abdos-fessiers à faire chez soi, ou à la muscu’, désormais ce n’est plus le cas. Le progrès dans le féminisme, mais aussi dans nos connaissances en matière de nutrition et de sport ont démontrés que les femmes pouvaient s’y mettre.

Toutefois, cela ne signifie pas que les femmes sont libres de pratiquer ce sport comme elles le veulent. Pour ne pas changer, dès que cela touche un domaine compétitif, elles doivent redoubler d’efforts pour prouver leurs valeurs. Beaucoup de « gomuscu » passent leur temps à se moquer des femmes ou à ouvertement les critiquer, en prétendant qu’elles ne font que cela pour la validation masculine. Alors qu’ils passent leur temps à flex, ils reprochent aux femmes… de faire pareil.

Comment Tik Tok a ouvert le chemin vers les Muscle Mommy

Mais avec l’émergence de Tik Tok, on a vu une prise de pouvoir de la part des femmes en salle de musculation. Avec des influenceuses comme Lean Beef Patty, ou encore Rhea Ripley, les normes de beauté habituelles sont remises en cause. 

Lean Beef Patty, avec ses cosplays et ses Jojo’s Pose a mis en avant une autre facette. Celle-ci jouit d’un physique hors du commun, et soulève lourd. Véritable phénomène tout droit sorti des internet, elle a démocratisé les femmes musclées

Les trends Tik Tok ont poussé certaines femmes à s’inscrire dans la salle. Je dirais que cela fait au moins 2 ans que je vois passer dans ma FyP des Muscles Mommy abordant une montagne de muscle avec leurs mascaras. 

Beaucoup ont aussi pris la parole pour conseiller les femmes de se mettre à la musculation, et surtout pour travailler le haut du corps. Elles ont déconstruit l’idée que si une femme prend en masse, elle ressemblera à un homme. La féminité s’aborde sous un autre angle

Les Muscle Mommy : un coup de poing dans les normes de beauté

Une chose que j’apprécie avec ce mouvement des internet, c’est qu’il va à contre-courant de pas mal de choses. Comme mentionné plus haut, les femmes doivent toujours faire plus d’efforts que les hommes pour démontrer leurs valeurs. 

En quelque sorte, les femmes répliquent à cette forme de compétition. Il y a un rapport de force tacite entre elles et les  gomuscus. Même si désormais, de plus en plus d’hommes admettent être attirés par les femmes très musclées. 

L’idée que l’on se fait de la femme peut être multiple, mais il y a plusieurs choses qui vont revenir. L’âge, pas trop avancé et souvent excessivement jeune. Pâle avec du rose aux joues, témoignage de la blanchité comme norme. Avec des formes, mais pas trop. D’une délicatesse de colombe. 

Tous ces clichés ont la vie dure, et durent justement depuis toujours. Même les femmes dites « fortes » sont minces, blondes, et douces. À l’instar dans nos représentations, si un personnage féminin ne suit pas ce schéma, elle sera détournée en dérision ou montrée comme une méchante – comme par exemple Ursula dans la Petite Sirène de Disney.

Les Muscle Mommy : nouveau kink uncloked.

Mais voilà, avec le Muscle Mommy mouvement, on aborde la féminité sous un autre angle. Les femmes ne veulent plus être faibles, mais fortes et puissantes. On exclut l’alimentation à base de feuille de salade pour garder la ligne, et on se met à manger plus pour prendre en masse. Elles abordent alors des épaules et des bras musclés. 

Le regard masculin et straight sur elle est assez parlant. Dans les trends et vidéos Tik Tok que j’ai vus, il y en a un assez parodique et conscient de soi. C’est la voix d’une femme qui dit « non je ne vais pas écraser ton visage avec mes cuisses, de plus… je ne suis pas ta mère, as-tu déjà parlé à une femme ? » où les plus drôles sont des hommes jouant le jeu.

À l’instar dans le milieu du fitness, les Gymbro acceptant le mieux les Muscles Mommy sont ceux qui ne semblent pas avoir de complexes, ou qui ont déjà un bon niveau. Sans doute parce qu’ils ont conscience du travail qu’il faut faire pour en arriver là.

Les Muscles Mommy sont-elles un mouvement Queer ?

Peut-on dire que les Muscles Mommy est un mouvement straight ? Parce que celles-ci assument toucher 2 publics : les femmes, comme les hommes. De plus, ce n’est pas la première fois que des femmes choisissent de se défaire des normes de beauté actuelles. 

On peut même se demander si les Muscle Mommy ne sont pas la version straight des Butchs. Pour l’histoire, le mot « Butch » vient de « butcher », le boucher, et aurait pris place dans les années 40. Souvent rejetées, car les Butchs se détachant des normes féminines habituelles, elles ont longtemps (voir toujours) eu mauvaise presse. Leur représentation dans les médias est souvent parodique (pour ne pas dire insultante), moquées comme étant un cliché de la lesbienne aux allures de camionneuses. 

Lea DeLaria, lesbienne butch, connue pour son rôle de Big Boo dans Orane in the New Black

Pour autant, ce mouvement s’affranchit des normes. Démontre des femmes indépendantes et fortes. Il y a plusieurs façons de vivre sa féminité et son genre en général. Je pense que les Muscles Mommy ont beaucoup en commun, mais les Butchs restent plus politiques. De même que le mouvement Butch est lié à celui de la transidentité. Des hommes trans’ ont pu d’abord s’identifier en tant que lesbienne butch, avant de faire leur Coming-Out. 

En résumé, les Muscles Mommy ne s’inscrivent pas vraiment dans l’histoire de la communauté LGBT. Ce mouvement est-il un héritage ? Ou bien est-il emprunté aux Butch ? Je ne saurais le dire, comme je ne suis pas concerné par le mouvement Butch. Et que mes connaissances sur le mouvement butch sont assez limitées. Mais ce que je vois, c’est que les Muscle Mommy semblent straight. Et dans tous les cas, on peut être une femme straight et être gender non-conforming.

Le mouvement Muscle Mommy est-il si contestataire ?

Mais peut-on parler de contestation avec les Muscles Mommy ? Parce que ce mouvement est souvent blanc et valide. Si des jeunes femmes s’emparent du phénomène, leurs corps restent normés. 

En dehors de cela, et la réappropriation d’un mouvement à l’origine lesbien, les Muscles Mommy ont la volonté de casser les codes du genre. Du moins, en proposant autre chose qu’une représentation binaire de la féminité. Prendre d’assaut la salle de musculation, alors milieu presque exclusivement masculin, ce n’est pas rien. 

La gym anxiety existe, la plupart des femmes ne vont pas à la salle, car elles ont peur. S’il y a des espaces prévus pour elle, il y a toujours la peur de se faire juger. Par les hommes et par les pairs. Mais avec les Muscles Mommy, on retrouve une forme d’empourvoiement, une affirmation de ce que peut être « la nouvelle femme ». 

La catcheuse Rhea Ripley, muscle mommy aux allures gothiques, prenant la pose en tirant le ring

Les réseaux sociaux ont alors poussé les femmes à aller à la salle de musculation. À lutter contre le cliché disant que si une femme fait de la musculation, elle ressemblera à un homme. D’ailleurs, en tant que personne transmasculine, cette phrase me fait grincer des dents.

C’est quoi, ressembler à un homme ? C’est quoi ressembler à une femme ? 

Les Muscles Mommy : vrai mouvement queer ?

Au-delà de ces aspects, des personnalités comme Rhea Riplay montrent que l’on peut être féminine et balaise. Honnêtement, je pense qu’elle est la parfaite incarnation de la Muscle Mommy. Néanmoins, Rhea Riplay surfe sur la vague du queer-baiting. Si elle emprunte les codes butchs, elle n’a jamais officialisé le fait d’être lesbienne. 

Petite précision : quelques Tik Tok mentionnent qu’elle serait bisexuelle. Quand des médias disent qu’elle serait hétérosexuelle. Le Coming-Out est quelque chose de propre à chacun, et personne ne devrait se forcer à devoir le faire. 

Pourtant, on peut comprendre la déception de la communauté LGBTQIA+, au vu de ses emprunts au queer-coding. Pour terminer, j’ajouterai que pour être bisexuel•le, il n’y a pas besoin d’avoir eu de relations avec une personne du même sexe pour le légitimer. 

Mais voilà, peut-être que Rhea Ripley est l’incarnation de l’héritage butch, avec ses muscles et son dos larges. Avec ses codes vestimentaires, très marqués. 

@buffcheekss

How to do the Muscle Mommy pose 👹

♬ original sound - jesse

Les Muscles Mommy sont-elle gender non-confirming ? Ou vont-elles devenir la norme ? Ou bien déplacent-elles les normes masculines sur les femmes ? En vérité, j’ai vu émerger d’autres mouvements internes à celui-ci. Des femmes montrant que la musculation et les réseaux sociaux sont avant tout une bonne lumière et du posing. Il y a la volonté de montrer le vrai derrière toutes ces heures passées à la salle. Qu’on a pas toustes H24 les abdominaux supers apparents, et que c’est normal.

Hâte de voir ce qu’il adviendra de ce phénomène dans les prochaines années.

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