Temps de lecture estimé à : 22 minutesDishonored et l’Outsider, analyse : entre mythe et réalité.

Temps de lecture estimé à : 22 minutes

Note : cet article a été publié sur mon ancien blog. Il contient des SPOILERS sur la série de jeux vidéo Dishonored d’Arkane Studio, et abordera le dernier opus. Attention !

Dishonored et moi, Antagoniste, le début d'une histoire d'amour

Dishonored fait partie de mes séries préférées sur les nouvelles générations de console. Le jeu est superbe, il a un level-design du tonnerre, et il présente un univers original. En dépit qu’il soit un FPS, j’ai vite accroché au gameplay, mais aussi à l’histoire.

Dans le premier Dishonored, où l’on incarne Corvo, j’ai réussi à ne tuer personne, et j’ai obtenu la bonne fin. Ce que je trouvais intéressant, dans le premier, c’est que nos actions ont de réelles conséquences. Si l’on joue dans un chaos pur, nous n’apprenons pas — par exemple — qu’Emily est la fille de Corvo, et Dunwall fini ravagé par la peste.

Dans le 2, où l’on a le choix d’incarner Corvo ou Emily pour reprendre l’Empire aux mains de Delilah, la fin a peu d’influence. Cette fois-ci, j’ai joué une Emily en colère, terrassant tout sur son passage, sans la moindre discrétion… et j’ai eu « la mauvaise fin », où Emily devient l’Impératrice Vengeresse.

Je vous avoue avoir été un peu déçu. Apparemment, puisque j’avais décidé d’épargner les cibles, j’ai eu « chaos élevé », mais pas le « chaos pur ». Je me suis alors jetée sur la Mort de l’Outsider, car j’ai aimé le personnage de Billie Lurk. Un personnage féminin badass que l’on rencontre dans l’univers du premier épisode, et devenue Meagan Foster dans le 2.

Cependant, Billie n’est pas mon personnage préféré. Depuis le premier Dishonored, j’ai un attrait certain pour l’Outsider.

J'ai un faible pour les pseudos-chanteurs de rock alternatifs

Si… vous voyez ? Le mec sorti d’un groupe de rock qui nous donne des pouvoirs surpuissants, et nous laissant le choix de s’en servir comme on veut. Ce que j’appréciais dans la version de l’Outsider du premier opus, c’était son aspect neutre ; il donne les pouvoirs à Corvo, comme il l’a fait avec Daud et Mamie Chiffon, puis il observe. Il semble maîtriser bien des choses, mais il observe surtout.

Dans le deuxième, il nous envoie carrément vaincre Delilah, qui fut elle aussi prisonnière du Grand Vide. L’Outsider était un personnage entouré de mystère, une entité supérieure, un « dieu malfaisant » selon l’Abbaye du Quidam. Cependant, il est un personnage très intéressant, parce qu’il traverse plus que la narration du jeu.

 

Et Billie ?

Dans la Mort de l’Outsider, Billie n’est plus amputée. Enfin… jusqu’à ce que l’Outsider intervienne et « lui rend ce qu’elle a perdu » ; comme j’ai joué dans un chaos total, je n’ai pas eu le choix — ou je ne l’ai pas compris — nous permettant de sauver Billie.

Dans la mission « Déchirure » de Dishonored 2, où l’on retrouve Aramis Stilton, devenu fou à cause de l’enfermement, l’Outsider nous donne l’occasion de changer le passé. Le passé où Delilah est devenue ce qu’elle est, et où Stilton s’est fait piéger. À ce moment-là, Billie tentait de le sauver. Si nous empêchons Stilton d’assister au rituel pour ramener Delilah, Billie conserve ses membres. Dans La mort de l’Outsider, le jeu « décide » de quelle fin se situe l’action ; une fin, où l’on a été « gentil ».

Ce qui m'a gêné dans la Mort de l'Outsider, c'était que le jeu avait décidé pour moi

MAIS.

Si l’Outsider donne un objet au joueur permettant de voyager dans le passé et dans le présent, cela signifie qu’il est capable de le maîtriser. Ma théorie vient là : et si chaque partie de tous les joueurs de la série était une réalité à part entière ?

Des univers parallèles, et que l’Outsider avait choisi simplement une fin qui lui convenait le plus ? Voilà pourquoi, nous démarrons à chaque fois un opus à partir de la bonne fin du précédent. Une théorie qui casse le quatrième mur, et que j’aime bien. Toutefois, elle ne s’arrête pas là. Le personnage de l’Outsider est un dieu, mais il n’est pas que cela.

Nous apprenons dans Dishonored 2 qu’il a vécu il y a plus de quatre mille ans. Il a été sacrifié au Grand Vide par une secte, alors qu’il n’avait que quinze ans. À partir de là, il est devenu un dieu.

Un dieu pas comment les autres

Ce que je trouve intéressant, c’est que nous ne nous retrouvons pas face à une entité méprisant les humains. Au contraire, l’Outsider les comprend. C’est pour cela que selon les points de vue dans le jeu, l’Outsider change. Par exemple, il est « malfaisant » pour l’Abbaye du Quidam, et pour Daud. Selon lui, l’Outsider est le mal ; il donne aux hommes des pouvoirs destructeurs, en sachant ce qu’ils en feront.

Baaaah… pour ma part, l’entendre dire cela m’a énervé. Rien ne dit que l’Outsider aspire au chaos, et surtout. C’est aussi un discours qui me rappelle celui sur l’utilisation des armes. C’est l’homme qui décide de tuer un autre avec un pistolet, mais pas le pistolet. Voyez-vous la nuance ?

Une main mécanique dans Dishonored
Le bras que « rend » l'Outsider à Billie lui impose sa marque. Ironiquement, chaque porteur de sa marque sous leurs yeux son vrai nom. Peut-être pour qu'on garde une trace de son existence humaine.

Dans Dishonored, l'origine a une importance

De plus, j’ai toujours l’impression que l’Outsider choisit le même genre de personnes : comme Corvo, Daud a vécu dans les rues, il est « vient d’en-bas », comme Delilah qui est une bâtarde. Il choisit à chaque fois les proscrits. Emily en devient une malgré elle du point de vue de la société, car elle est « la fausse Impératrice », sans oublier son passé d’enfant manipulée à des fins politiques.

Billie n’échappe pas à la règle. D’ailleurs, dans la Mort de l’Outsider, nous retrouvons des romans parlant d’un enfant, ami avec un rat, essayant de survivre dans la rue, et d’échapper à des gardes. Il s’agit de contes, narrant le passé de l’Outsider.

Dans le premier Dishonored, j’ai longtemps pensé que l’Outsider était à l’origine un humain mort en mer, car son culte se manifeste par des os de baleine, etc. et à la peste. Rappelez-vous du pouvoir permettant de faire disparaître les cadavres, en « invoquant » des rats pour les dévorer. Encore une fois, il est lié à la rue, la misère.

Le fait qu’il ait été sacrifié conserve cette idée de dieu-martyre et proscrit, l’innocence d’un enfant bafoué par le fanatisme. Je reviendrai là-dessus plus tard.

Billie et l'Outsider, une relation compliquée

Maintenant, nous allons nous intéresser à la relation entre Billie et l’Outsider. Billie n’a jamais reçu les pouvoirs de l’Outsider, jusqu’au moment où Daud lui demande de le tuer. Ce qui est intéressant, c’est le début de la mission 2. L’Outsider vient et « lui rend ce qu’elle a perdu, car elle n’a jamais rien demandé ». Il dira même qu’il donne aux hommes ce qu’ils lui demandent. À partir de là, Billie perd son bras et son oeil.

D’ailleurs, la scène m’a fait froid dans le dos, car l’Outsider force ; c’était une  scène d’agression en quelque sorte. Cela rejoint ma théorie sur le fait que l’Outsider choisi dans le deuxième et le troisième opus de Dishonored une réalité lui convenant. En prenant le bras et l’oeil de Billie, il lui rend la réalité où elle les perd en essayant de sauver Stilton.

Il offre sa marque à Billie, mais il lui offre sur le bras mécanique qu’il lui rend. Cela donne à sa marque un caractère artificiel. Elle ne se retrouve pas « dans » le corps de Billie, mais sur quelque chose dont elle pourrait se débarrasser. Il lui laisse le choix de se séparer des pouvoirs qu’il lui donne, si elle le souhaite. En prenant son oeil, il lui donne aussi une nouvelle vision du monde et de la réalité.

Dans Dishonored, de grands pouvoirs impliquent de grandes responsabilités

Cela se traduit dans le gameplay de Billie, basé sur la perception. « Semblance » lui permet de tromper autrui en « volant » les visages des gens. Quand « Prescience » l’a fait voyager hors de son corps pour marquer visuellement les objets et les ennemis.

Enfin, « transfert » nous fait visualiser Billie dans l’espace où l’on veut se téléporter. Billie est quelqu’un qui naturellement a une perception plus évoluée que les « gens normaux ». Elle sait percevoir la voix des rats, notamment parce qu’elle a été touchée indirectement par les pouvoirs de l’Outsider. Ces derniers sont liés à l’Outsider, il y a ici un lien entre eux, en plus de la thématique de la fille des rues. Dans Dishonored, le gameplay est étroitement lié à l’univers du jeu.

Je suppose que vous avez tous cette « image clichée » du personnage aveugle, ayant accès à des visions sur l’avenir, et j’en passe ? Ici, Billie est borgne, et a accès à d’autres réalités et connaissance… ce qui rappelle Odin, à la tête du panthéon scandinave sacrifiant son oeil pour accéder à la connaissance.

Le plaidoyer de Daud contre l’Outsider est qu’en plus généré du chaos, il fini par demander un tribut à payer… ce que ne se traduit pas dans les premiers Dishonored. Je pense que dans le cas de Daud, le tribut est la culpabilité pour avoir usé des pouvoirs donnés par l’Outsider de la « mauvaise façon ». Chez Billie, c’est le « vol » de son bras et de son oeil, quoique son infirmité vient d’une autre réalité.

Les similitudes entre Bille et l'Outsider

Observons — sans mauvais jeu de mots — que l’oeil que perd Billie est le « même » que celui de l’Outsider. Lorsque nous trouvons la brèche rituelle, en traversant l’oeil de l’Outsider, il s’agit de son oeil droit. Je ne pense pas que cela soit anodin.

Enfin, le fait que l’Outsider est représenté avec des yeux noirs, non pas qu’il soit forcément aveugle. Ses yeux lui permettent de voir d’autres réalités, et LES Grands Vides,. De plus il dira – si l’on choisit la bonne fin – que ses yeux sont restés fermés pendant des siècles. Je vous laisse interpréter comme vous le souhaitez le fait qu’il prenne l’oeil droit de Billie,. Nous entrons aussi dans un des Grands Vides par son oeil droit.

À ce moment-là, le jeu prend une autre ampleur. Et nous rencontrons des hommes, devenus des monstres que je vais appeler « Régent » (ceux ayant vu Kokkoku comprendront) qui veulent nous chasser de « ce » Grand Vide. Je ne saurais dire s’ils voient les autres humains, ou seulement les intrus. D’ailleurs, nous évoluons ici entre plusieurs réalités. Celle des membres de la secte, celle des Régents, avant d’atteindre celle de l’Outsider. La secte des Visionnaires, encore une fois, nous avons l’idée de perception supérieure, spirituelle, touchant aux réalités de l’Outsider.

Cela se traduit de différentes manières :

  • Par exemple, afin de lutter contre les pouvoirs de l’Outsider, l’Abbaye du Quidam utilise de la musique. Quelque chose de concret pour freiner le pouvoir de l’indicible.
  • Le Grand Vide dans lequel l’Outsider nous invoque semble être un amas de pierres perdu dans les airs.
  • Nos personnages n’ont pas de reflets, et n’ont pas d’ombre.

Le Grand Vide et l'Outsider

Le Grand Vide dans lequel l’Outsider est figé n’est pas le même que celui dans lequel il nous invoque. Il est prisonnier de la pierre, sur un bout de terre perdu dans la mer. Ici, nous avons une opposition entre un « Grand Vide céleste » , et un autre plus abyssal, et sombre. Il n’y a rien, l’Outsider n’y est pas « vivant », au contraire.

Il est prisonnier des Abysses, sans conscience propre, avec un Daud ruminant son passé. Cela signifie que lorsque notre personnage rêve, et se retrouve invoqué par l’Outsider dans le Grand Vide, il évolue en réalité dans le rêve de l’Outsider. Un peu à la façon des prieurs dans Final Fantasy X : l’Outsider est un dormeur, donnant l’essence des mondes par ses rêves. Et la façon dont il rêve peut changer les évènements de la réalité de nos personnages.

L’Outsider semble pourtant avoir des pouvoirs absolus, mais il est rare de le voir en « chair et en os » dans la réalité de nos personnages. La plupart du temps, il est invoqué lorsque nous retrouvons ses autels. Cependant, lorsqu’il « rend » à Bille la réalité où elle est infirme, il intervient directement dans le monde.

On peut se demander « pourquoi », au-delà de la mise en scène choisie par les développeurs. Mais peut-être que d’une certaine manière, Billie invoque l’Outsider. Au préalable, au moment de la libération de Daud, celui-ci vole son portrait. D’ailleurs, malgré sa qualité de Dieu, on le retrouve représenté dans des tableaux, sans doute parce qu’il a été humain, et qu’il apparait clairement aux humains. Je pense que Billie l’invoque sans s’en apercevoir, à cause de Daud.

L'Outsider, un dieu neutre

Ce que j’ai trouvé fascinant dans le dernier opus de la série, c’est que l’Outsider reste neutre. Il a connaissance des desseins de Daud et de Billie. En vérité, il est surtout curieux de savoir quel choix notre personnage fera.

Il l’encourage surtout à faire un choix de son propre chef, en se détachant de l’influence de Daud sur elle. Lorsque nous volons le couteau l’ayant tué, et qu’il apparaît, il le vole sans le moindre effort. On pourrait penser qu’il le fait parce qu’il peut le faire, et pour montrer qu’il peut le faire.

Mais j’ai une autre théorie, peut-être ressent-il une forme de nostalgie en le retrouvant, lui rappelant à son humanité volée. De plus, lorsqu’il le rend à Billie, nous trouvons une autre mécanique de gameplay, permettant de faire des attaques à distance, chargées par l’essence du Grand Vide.

En quelque sorte, si l’Outsider n’intervient pas dans notre décision finale, on peut arriver à plusieurs idées :

  •  S’il manipule l’espace et le temps, pouvant voir toutes les possibilités — hormis celle de sa mort —, peut-être aurait-il pu changer sa destinée au dernier moment.
  • Il est curieux de connaître un avenir, qu’il lui est impossible de « voir » (on retrouve la thématique sur la perception)
  • Ce qui est pour moins est le plus plausible : il a vécu quatre mille ans, seul, à rêver. Il aspire lui-même à sa fin, la mort le rendrait humain et mortel.

Le chara-design de l'Outsider dans l'évolution de Dishonored

On peut noter aussi le changement dans son chara-design. Dans le premier jeu, l’Outsider a des épaules larges, la mâchoire carrée, il est un jeune homme fort. Dans le deuxième, il se présente émacié, avec un âge difficile à déterminer. Il est considérablement amaigri. 

Le Grand Vide pourrait l’altérer, de même que l’influence de Delilah dans ce dernier pourrait consumer l’Outsider petit à petit. Enfin, l’Église du Quidam aurait pu parvenir à amenuiser son culte, et ayant moins de croyant à son actif pour le « nourrir », cela joue sur son apparence. Au-delà de cela, c’est lié à l’idée qu’il est mort à quinze ans… beaucoup trouvent que dans le deuxième opus, il fait plus jeune. Pour ma part, je le trouve émacié, fatigué, et les tableaux soulignent son visage de rat.

Une figure de Martyre

Le nom a un rôle. De façon générale, dans bien des mythologies, connaître le nom d’une entité supérieure permet de la contrôler ; par exemple pour invoquer un démon, et en faire son larbin, il faut connaître son nom. En étant sacrifié, on enlève à l’Outsider son nom, et donc son humanité. Il devient un quidam, un inconnu.

Le fait que ce soit Daud le lui rendant n’est pas anodin ; Daud ne se retrouve pas dans « ce Grand Vide » par hasard. Il est échoué, tel Robinson Crusoé, sur un pan du Vide, abandonné. Parce qu’en voulant tuer l’Outsider, il se dédouane de sa mauvaise utilisation des pouvoirs. Il est AVEUGLE à ses propres erreurs, il ne veut pas se reconnaître comme étant le véritable coupable de ses propres actions.

Billie fera comprendre à Daud que l’Outsider est une victime, car il a été tué. Je ne sais pas exactement ce que les Visionnaires voulaient faire à l’origine, s’ils voulaient l’offrir au Grand  Vide, créer un dieu, ou autre chose.

Des gens dans un rite sacrifiant l'Outsider dans Dishonored

La série Dishonored a toujours aimé jouer avec la morale

Dans tous les cas, le rôle de l’Outsider est de supporter les erreurs des humains, alors qu’il aspire à recouvrer son humanité. Le fait qu’on le voit figé dans une souffrance éternelle, pétrifié, souligne sa qualité de dieu-martyre.

On apprendra qu’il a été un enfant des rues, voilà pourquoi choisit-il d’autres enfants des rues. Des « rats », comme lui. Le rat est la charogne, la maladie, ce à quoi il sera souvent renvoyé par ses ennemis ; il en a même les yeux.

Cependant, il semble avoir bien conscience que l’on pense cela de lui, sans jamais pour autant chercher à prouver le contraire. Il reste neutre, quoiqu’il arrive. Qu’on le tue, ou qu’on lui rende le nom a la même finalité : le renvoyer à son humanité.

J’ai choisi de lui rendre son nom — comme dit précédemment —, et j’ai eu l’occasion de voir une facette de l’Outsider que l’on ne voit pas auparavant. Il tombe, affaibli, dans les bras de Billie, et lui dit qu’elle a fait l’impossible.

Non seulement elle parvient à persuader son ennemi numéro un qu’il est une victime, à attiser la sympathie de Daud pour son sort, mais elle lui rend son humanité. Il est « rétrogradé » au rang d’être humain, mais cela lui ouvre d’autres possibilités : vivre. Vivre avec les hommes, plutôt qu’à travers eux, vivre pour lui, recouvrer la lumière.

 
 
Extrait de Dishonored, où Daud tient l'Outsider aux épaules
Le « Vrai » Grand vide, celui où l'Outsider « dort » est enfermé avec Daud. Un monde de solitude dans les abysses. On y retrouve une rédemption à plusieurs niveaux. En rendant son nom à l'Outsider — en position de vulnérabilité —, Daud lui pardonne et se pardonne à lui-même. On peut parler de rédemption chrétienne, mais renversée : ce n'est plus dieu qui pardonne aux hommes, mais l'inverse.

Dishonored et l'Odyssée

Bah oui… ! Nous croisons toujours l’Outsider dans les ténèbres, dans ce vide abyssal qui le retient enchaîné, et voilà que la fin du jeu s’ouvre sur lui, rencontrant pour la première fois la lumière. Si on le considère comme « mauvais », on peut interpréter cela comme une forme de rédemption, de même que sa « rétrogradation » en humain. Au final, en pardonnant à l’Outsider et en lui rendant son nom, Daud se pardonne à lui-même.

Comparativement, la « mauvaise fin » nous plonge dans l’obscurité, où les yeux de l’Outsider se remplissent de sang (thématique de la vision, encore et toujours). On le plonge définitivement dans les ténèbres. D’ailleurs, l’espèce d’au-delà qui est montrée avec Daud, et le « vrai Grand Vide » peut rappeler l’Odyssée de Homère, quand Ulysse descend aux Enfers.

Dans ce passage, il n’y a rien de grandiloquent dans la mort. Les âmes errent, et même Achille dit qu’il aurait préféré être l’esclave du plus pauvre des paysans que d’être retenu ici. Dans l’Odyssée, c’est un hommage à la vie. Daud se retrouve enchaîné à sa culpabilité. Si on libère l’Outsider, il est fort probable qu’on libère Daud de ses propres chaînes. Peut-être qu’en tuant l’Outsider, on laisse Daud prendre sa place.

Tableau d'Ulysse descendant aux Enfers
Dans l'Odyssée, ce passage est appelé Nékuia, et Uylsse y convoque les morts. On peut voir un parallèle entre Daud et Achille ruminant sur leurs sorts respectifs

La figure christique

Quand Billie tue l’Outsider, on peut voir la scène en comparant l’histoire du Christ : lorsque Longin lui fait la plaie au flanc. D’ailleurs, la lance en question peut être reliée à la lame sacrificielle avec laquelle, l’Outsider fut tué.

Billie l’enfonce sur le côté gauche, pas tout à fait au niveau du coeur, un peu vers le flanc. En miroir aux plaies du Christ. De plus, elle doit certainement la planter « dans son nom », en ignorant quel est ce nom.

Maintenant : le surnom de l’Outsider. Concrètement, cela signifie « étranger » ou « quelqu’un de l’extérieur ». Étranger à la réalité, entité à l’extérieur de la réalité, et de la vie. Le fait que Billie qualifie son culte de celui d’un dieu-mort pourrait faire référence à Jésus-Christ, lui aussi, élevé au rang de divinité morte.

Et encore une fois, cela renvoie à sa qualité de martyre. Cela est d’autant plus vrai, quand dans la fin où on le tue, Billie met en évidence qu’il est mort pour les criminels ayant utilisé ses pouvoirs. Cela fait d’elle un assassin qui ne sera pas puni pour cela.

Les Régents dans Dishonored 3
Les « Gérants » du Grand Vide, évoluant entre plusieurs réalités et autrefois humains.

La nuance entre Billie et l'Outsider

J’ai adoré la relation que Billie et l’Outsider entretiennent, je l’ai trouvé profonde et complexe. L’Outsider lui offre ses pouvoirs à partir du moment, où Daud lui ordonne de le tuer. Elle devient plus intéressante à ses yeux. D’ailleurs, il est amusant de noter que si Billie a une sexualité affirmée alors que  l’Outsider n’en a pas. Une partie de moi pense qu’il est sur le spectre aro-ace.

Je pense qu’il porte un amour absolu, selon la version des chrétiens : « aimer son prochain en regard de l’amour que Dieu porte aux hommes ».

La fin de Dishonored 3
Attention aux coups de soleil

Conclusion sur Dishonored

Voilà ! Pour ma part, c’est pour tout cette analyse ! La réflexion autour de la notion de divin, que j’ai trouvé la conclusion de Dishonored excellente. Bien sûr, la fin est ouverte, on ne sait pas exactement ce qu’il adviendra de l’Outsider (qui recouvre ses yeux d’ailleurs), ou si les gens l’ayant croisé le reconnaîtront dans la rue. Mais je pense que cette théorie casse le quatrième mur, et que ce personnage est tout ce qui donne son charme à la série.

Je trouve cela dommage qu’il s’en retrouve exclut s’ils font une suite, mais j’ai beaucoup aimé Dishonored. Son univers, le côté décalé dans certains aspects, notamment sur la technologie. Nous trouvons aussi des réflexions métaphysiques sur l’idée de la perception, de mondes parallèles, que ce soit ceux de l’Outsider, le passé de Stilton, le tableau de Delilah.

Cette dernière, semble capable grâce à la peinture de créer un fragment du Grande Vide pour s’y réfugier. Ou même si on garde l’idée que l’Outsider peut choisir la réalité dans laquelle, le joueur évolue dans tel ou tel opus, etc. Le Grand-Vide recèle encore des mystères, et semble pouvoir encore exister, indépendamment de son prisonnier, ou de son « hôte ».

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