Temps de lecture estimé à : 10 minutesMaquillage et Metal : de mon temps, les hommes ne se maquillaient pas

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Si Noël approche à grands pas, et que l’on a sorti nos plus belles guirlandes, ce n’est pas de pains aux épices et de Vive le Vent dont on va parler aujourd’hui, mais de maquillage et de Metal !

Oui, le genre musical. Aujourd’hui, nous sommes la journée internationale du Metal. Un genre musical que j’ai fort apprécié durant mon adolescence ; j’écoutais beaucoup de Black Metal, et je jugeais les autres courants musicaux comme « un truc de mouton ».

Bref, je rentrais dans la case du métalleux sombre et torturé, qui croyait se poser des questions philosophiques sur Cradle of Filth. Au moins, je me lavais régulièrement les cheveux.

Le Metal, c'est une grande famille ?

Cependant, il y a toujours un truc qui m’a marqué au sein de la communauté Metal. Celle-ci se prétendait accueillante pour peu que l’on ait les mêmes goûts musicaux, mais l’homophobie qui en ressortait. Il y avait cet espèce de sacralisation de la virilité. Comme si tous les métalleux de dix-sept ans se prenaient pour des Vikings.

Et qui en pogotant dans la fosse pourraient atteindre le Valhalla. Si l’on ne correspondait pas à ces clichés, la communauté metal, une grande famille — surtout lorsqu’il s’agit de draguer des mineurs — se moquait.

Il y avait tout le temps une histoire d’égo masculin. Mis à rude épreuve si l’on ne connaissait pas tous les titres de Slayer sur le bout des doigts. Ou si on ne connaissait pas ce one-man-bands underground de metal-progressiste-scandinavo-fachiste.

Rob Halford, chanteur du groupe Judas Priest
Non, ce n'est pas un PNJ rare dans un MMO, mais bien le chanteur de Judas Priest

Le plus ridicule, c’est qu’à force de revendiquer qu’ils étaient de vrai bonhomme, ils en oubliaient les figures emblématiques gays tels que Rob Halford — le chanteur de Judas Priest. Il révéla son homosexualité en 1998. Ce qui me fait doucement rire, c’est que s’il y a bien un genre musical mettant en avant des hommes « effeminés », c’est bien le Metal. Au-delà du Corpse Paint, dont se peinturlurent les groupes de Black metal, le maquillage est souvent utilisé sur la scène. Cela fait partie du spectacle, mais aussi d’une volonté de provoquer les normes.

Un autre point qui me fait rire : si les hommes maquillés se démocratisent de plus en plus, c’est entendre « de mon temps, ils ne se maquillaient pas ».

Ah oui.

Le maquillage chez les hommes, une histoire d'homophobie

Nous sommes en 2021, et des gens pensent encore que les hommes ne se maquillent que depuis cette dernière décennie. Ironique, n’est-ce pas ? Alors que le passage de David Bowie, mais encore d’Alice Cooper, de Pete Burns ont marqué des générations d’adolescents. Dans Life on Mars, David Bowie portait sa tenue et son maquillage bleu iconique, alors que le groupe Dead or Alive débutait dix ans plus tard. Quant à Alice Cooper, sa carrière commença en 1969. Il présentait déjà son maquillage qui a fait sa marque de fabrique.

Prétendre que « de mon temps, les hommes ne se maquillaient », c’est nier toute une partie de la scène populaire. Oh bien sûr, il est aisé de voir dans cet argument une rhétorique homophobe. Elle se base sur l’idée que les hommes maquillés ne sont pas « de vrais hommes ». Sans comprendre qu’au-delà du style, il y avait une volonté de jouer avec les normes.

Pete Burns, chanteur de Dead or Alive, connu pour son maquillage
Klaus Nomi, présentant sa marque de fabrique : le maquillage
Le groupe Kiss montrant son maquillage
David Bowie, une icône connu pour son maquillage

Le rock, et le Metal par exemple, se sont toujours montrées à contre-courant des pensées « mainstream ». Tout en protestations et en revendications. D’ailleurs, comme beaucoup de courant musical se revendiquant hors de la scène populaire, présentaient des hommes maquillés. La scène metal n’est pas en reste. Marylin Manson porte du maquillage, la scène Black Metal en use. Les groupes comme Cradle of Filth jouent avec cette imagerie d’hommes efféminés et maquillés.

Le maquillage comme arme contre les normes

D’ailleurs, comment ne pas y voir une réappropriation du queer-coding ? Ce que je veux dire par là, c’est que beaucoup de chanteurs de Rock ou de Metal se positionnent en tant que « vilain ». Plus précisément, ils jouent avec la figure de l’antéchrist —, en opposition aux courants de pensée populaires et surtout contre le puritanisme. Ils répondent au cliché queer-coded du méchant sadique, mais qui tient tout de même à son apparence.

Ils en jouent et le détournent régulièrement. Le maquillage peut être aussi vu comme une forme de « peinture de guerre ». La scène Metal s’entiche de tout ce qui est plus ou moins épique, avec une imagerie guerrière — soutenu par le groupe Manowar.

Les garçons aux cheveux longs, avec leurs traits d’eye-liner, flirtant avec l’imagerie gay font controverse, surtout à l’époque où l’homosexualité avait mauvaise presse. En quelque sorte, le rock et le metal ont des figures queer-coded.

Les hommes se sont toujours maquillés

Bref, prétendre que les hommes ne se maquillaient pas avant, c’est hypocrite. D’autant plus quand on sait que les hommes se maquillaient dès l’Égypte antique, et que la cour du Roi Soleil n’était pas épargné ! D’ailleurs, savez-vous d’où vient l’expression « sucrer les fraises » ? Elle est certes un peu désuète. Elle ferait allusion aux collerettes plissées des aristocrates du XVIe siècle, sur lesquelles tombait la poudre qu’ils utilisaient pour se maquiller. Le maquillage a toujours été monnaie courante.

C’est juste qu’il est devenu un objet d’instrumentalisation sur les femmes au cours des décennies. De plus, il est relié à une certaine superficialité – on se maquille pour s’embellir -, et les hommes ne sont pas censés y répondre… ! Si le maquillage était une affaire de femmes, la musculation appartenait aux hommes. C’est encore une fois, une vision binaire de la société que l’on a imposée aux fils des années.  

Le cas de Bilal Hassani

Dire « de mon temps, les hommes ne se maquillaient pas », c’est encore une fois, obéir à des injonctions sociales. Même si les générations futures sont en train de déconstruire, et que l’on voit de plus en plus d’hommes cis se maquiller, ce n’est pas encore tout à fait démocratiser. Il suffit de faire un tour sur les réseaux sociaux. Ou voir comment le chanteur Bilal Hassani est reçu par les médias français.

Si je n’aime pas particulièrement sa musique, je peux que saluer sa démarche. Bilal Hassani est un homme cisgenre, mais qui ne craint pas de casser les codes. Je me souviens que lorsqu’il était confronté aux autres chanteurs et chanteuses de variétés français pour sa place à l’Eurovision, André Manoukian se félicitait d’être inclusif en disant que Bilal Hassani « portait les deux sexes et que c’était merveilleux »

Manoukian et la transphobie

Ah. Si seulement Manoukian l’avait fermé à ce moment-là, il a préféré renchérir avec : « Je voulais juste te dire un truc. Dans l’antiquité, les personnages hermaphrodites étaient des divinités. Et c’est ça que tu portes. […] Je suis un roi car je suis porteur de la beauté des deux sexes, réconciliés à l’intérieur de moi-même. »

En vérité, je préfère en rire plutôt qu’en pleurer. Le discours de Manoukian est plus que problématique, et il mériterait d’être analysé en profondeur – ou pas, je vais m’épargner ça -, et coche beaucoup de points homophobes, transphobes et intersophobes, mais il est aussi vecteur d’une idée difficile à déconstruire : les hommes efféminés, ou jouant avec les codes binaires du genre, sont des « créatures à part », il y  aussi une forte part de fétichisation dans cette phrase.

Sa remarque met en évidence que Bilal Hassani était une « anomalie » dans le paysage musical français. Alors que la démarche du chanteur est de justement jouer avec ce cliché pour les détourner. Mais aussi pour revendiquer la fierté d’être soi.

Klaus Nomi et David Bowie

En quelque sorte, le maquillage est une extension du costume du chanteur, comme c’était aussi le cas de Klaus Nomi. Assez méconnu en France, c’était un chanteur allemand né en 1944. Classé à la fois comme un chanteur d’opéra, mais aussi de cabaret. Klaus Nomi présentait un maquillage assez reconnaissable, il avait d’ailleurs été repéré par David Bowie  qui l’a fait participer en tant que choriste à l’émission Saturday Night Live de Décembre 1979.

C’est en voyant le costume de Bowie que Klaus Nomi décida de faire le sien, et de jouer avec le caractère extra-terrestre de son style. Klaus Nomi est comme David Bowie, de ces chanteurs qui portaient du maquillage sur scène, et dont cela faisait partie intégrante du costume.

Des artistes Queer-Coded ?

Bref, les hommes se maquillent. Et ce serait hypocrite de dire le contraire, lorsqu’on a connaissance de l’importance du maquillage sur les scènes musicales, telles que le Metal, ou encore le Glam Rock qui a influencé d’autres courants. Beaucoup de musiciens de rock portent du maquillage. Comme Indochine, The Cure, ou encore Placebo, flirtant avec le caractère queer-coded que donne le maquillage.

Brian Molko du groupe Placebo, connu pour porter du maquillage

Par exemple, Brian Molko, le chanteur de Placebo est ouvertement bisexuel. Et plus récemment, le groupe Måneskin, gagnant de l’Eurovision de 2021 présentait du maquillage sur scène et des talons. Une espèce de retour aux sources ? Peut-être, mais surtout le groupe est connu pour un baiser échanger entre Damiano David et Thomas Raggi au Polsat SuperHits Festival en Pologne. Le but ? Soutenir les droits LGBTQIA+, mis à mal en Pologne, avec la mise en place de zone anti-lgbt au sein du pays.

Le maquillage fait partie de l'histoire de la musique

Le fait est là, les hommes se maquillent. Historiquement d’abord, c’est le cas depuis l’Antiquité, et ça a dépendu des modes que l’on cherchait. Dire « de mon temps, les hommes ne se maquillaient pas », c’est nier toute la scène rock et Metal, mais pas que ! Le mouvement Glam Rock est ce qui a été précurseur. Et les autres scènes alternatives présentaient des hommes maquillés, ou portant des vêtements associés la féminité. Enfin, il y a un aspect transgressif dans le fait de s’approprier les codes d’un autre genre. Surtout dans le cas des hommes mettant des talons et des robes par exemple.

Alice Cooper et ses combats en tant qu'allier

Enfin, il y a toujours une peur sous-jacente de la part du public cis-hétéronormés de voir un homme porter du maquillage. Ce n’est pas encore quelque chose de démocratisé. Et la plupart des hommes cis-hétéronormé voient les hommes se maquillant comme des « anomalies ». Parce qu’ils remettent en cause les normes de virilités complètement binaires. Ils se sentent menacés en tant qu’individus. Et l’idée que de remettre en question leurs éducations les font se sentir vulnérables. L’homophobie se base aussi sur l’idée qu’un homme gay n’est pas un vrai homme, et ils doivent  d’autant plus se sentir attaquer de ce côté-là. S’ils étaient si sûr d’être ce qu’ils sont, un homme maquillé ne devrait pas atteindre leur sacro-sainte virilité, n’est-ce pas ?

Alice Cooper, célèbre pour son maquillage

Cela n’est pas innocent de la part d’un chanteur tel qu’Alice Cooper entre autres, qui a toujours plus ou moins flirté avec une identité de genre ambiguë, qui aurait pu supposer — par exemple — qu’il était bisexuel. Ce n’est d’ailleurs pas le cas, mais pour reprendre les paroles d’Alice Cooper : « dans le futur, tout le monde sera bi ». C’est ce qu’il disait dans une interview de 1974 pour le magazine canadien SPEC.

D’ailleurs, il avouait dans l’interview que si l’orientation sexuelle avait été un choix, il aurait lui-même choisi d’être bisexuel. Il essayait dans ses shows de faire changer d’avis ses fans homophobes, et ce dès les années 70.

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