Temps de lecture estimé à : 13 minutesSouvenir Trans’

Temps de lecture estimé à : 13 minutes

Nous sommes le 21 Novembre, hier était le jour de célébration du souvenir trans pour célébrer la mémoire des victimes de la transphobie. Oui en 2021, la transphobie fait toujours des victimes. 

Par exemple, en juin 2021, une femme transgenre du nom d’Ambre Istier a été retrouvée morte à son domicile. Le 24 avril, des centaines de personnes sont venues rendre hommage à Paula, une femme transgenre assassinée. N’oublions pas Doona, qui s’est suicidée en 2020, à force de se faire mégenrer, de sa situation précaire d’étudiante, etc.

Si vous pensez que la transphobie n’est « rien », je vous invite à lire les articles concernant ces jeunes femmes. Vous allez constater comment certains journalistes français ont choisi d’en parler avec des biais transphobes et une méconnaissance  totale du sujet, en employant par exemple les deadnames des victimes.

Couverture du magazine Valeurs Actuelles plein de Transphobie

La transphobie est punie par la loi, mais l’on constate encore que les médias français ne s’en inquiètent pas, ainsi Valeurs Actuelles ne voyaient aucun souci avec sa une annonçant « Le Délire Transgenre », ou encore un article du Figaro crachant sur les luttes trans’ et non-binaires. Au-delà de la diabolisation qu’il est fait des personnes transgenres dans la société, le simple fait de ne pas être cis nous met en danger. L’on pourrait croire que le féminisme serait un refuge pour nous, mais c’est sans compter les TERF.

Au pays des TERFs, la transphobie fait loi

Si vous ne savez pas ce que signifie TERF, sachez que c’est l’acronyme de Trans’ – Exclusionary – Radical Feminist. C’est-à-dire des pseudos féministes rejetant les personnes transgenres des combats féministes. L’une des plus connues n’est rien d’autre que J.K Rowling. Elle a écrit plusieurs tweets transphobes, au point où les acteurs des films Harry Potter lui ont tourné le dos. Par exemple, Daniel Radcliffe qui lui a répondu que les femmes transgenres étaient des femmes à ses tweets. 

Si je suis les idéologies TERF, qui se basent sur une réalité biologique discutable, je suis une femme. Cependant, puisque je suis non-binaire, je devrais être exclu des combats féministes : cela ne me « concerne plus ».

Le plus absurde avec les discours TERF, c’est qu’elles revendiquent la liberté des femmes. Mais elles ne cessent de rappeler que les femmes « n’ont pas de pénis ». Alors que la réalité biologique n’est justement pas si binaire.

Paradoxalement, c’est une vision assez phallocentrée de la condition des hommes et des femmes. Enfin, c’est le serpent qui se mord la queue sans trop savoir ce qu’il avale. La vérité, c’est qu’elles sont transphobes.

Une vision phallocentrée

Je vais parler de mon vécu. Je n’ai pas eu une enfance  facile, et j’ai été élevé par une personne ayant connu la Seconde Guerre Mondiale. Son vécu avec les hommes ayant été traumatisant, elle ne cessait de me donner une image anxiogène d’eux.

TW : agressions sexuelles et mentions d’organes génitaux

Dans le sens où — pour reprendre ses mots — un homme, ça a envie de baiser tout le temps. Et ça serait capable de se branler en foutant son pénis dans un trou de serrure. Lorsque vous entendez cela à dix ans, alors que vous venez tout juste d’avoir vos règles, c’est un peu traumatisant. Disons qu’on m’a lavé le cerveau pour me faire croire que les hommes étaient des prédateurs, et que je serais une proie. Le pire c’est que suite à une agression sexuelle quand j’avais quatorze ans, ça n’a fait que donner raison à ce qu’on me racontait depuis mes dix ans.

On m’a donné une image de l’homme déshumanisé. Ils étaient des pénis avant d’être des individus et toujours en position d’agresseur. Je retrouve ce même genre de peur dans les discours TERF. Une angoisse vis-à-vis du phallus plus que sur la personne elle-même. Cette peur n’est pas rationnelle, mais elle vient de générations et de générations de femmes qui ont été la proie des hommes. Malgré tout, cela n’est pas une excuse pour la transphobie.

 

Fin du TW.

Entre transphobie, racisme et mépris des classes

Le plus insidieux avec les discours TERF, c’est qu’il a pour origine la même catégorie de femmes. En résumé, elles sont souvent blanches, bourgeoises, et rejettent les femmes racisées, celles portant le voile, et les travailleuses du sexe. Comme si pour les TERF, il n’y avait qu’un modèle féministe. Un idéal à atteindre auquel il faudrait cocher toutes les cases… Toutefois, cet idéal est un nid de biais cognitifs, racistes, transphobes, et homophobes.

Bref, les TERF sont limitées, avec un féminisme en carton-pâte. Celui-ci est très réducteur, fermé. Au final, leur rhétorique est la même que celle du puritanisme des hommes cis-hétéros blanc. Ironique pour de soi-disant féministes ? Pour moi, elles ne le sont pas.

Une enfant faisant la tête à côté de Blanche-Neige pour exprimer un sentiment blasé face à la Transphobie
Eh non, les réalités biologiques sont plus complexes que ça

Pour parler des femmes transgenres pour ce 20 Novembre, je préfère vous renvoyer sur ces vidéos qui expliquent en détail d’où vient l’idéologie TERF. Ainsi que la chaîne YouTube Média XY qui démontre assez bien la transphobie qu’il y a dans les films ou les séries télévisées, comme Ace Ventura.

Je préfère centrer les choses sur mon vécu, car je suis une personne non-binaire se situant sur le spectre masculin. Cela m’évitera de faire des erreurs si je parlais à la place des concernées sur la transmisogynie.

La transphobie dans les médias

Prenons Ace Ventura comme point d’accroche. Même si je n’avais pas conscience de la transphobie dans le film lorsque je l’ai vu enfant, je me suis toujours senti mal à l’aise quand Ace Ventura ridiculise la méchante. Je ne comprenais pas pourquoi il faisait cela. Il l’humilie alors qu’elle est en sous-vêtement et donc dans une position de vulnérabilité, afin de « démasquer la supercherie ».

Je trouvais cela fort gratuit, et enfant, je ne voyais pas quel était le problème autour de ce personnage. C’est en vieillissant que je me suis rendu compte pourquoi. Avec le recul, j’ai saisi que la transphobie et le sexisme d’Ace Ventura m’avaient mis mal à l’aise.

Voilà comment on inclut aux enfants qu’être transgenre, c’est « mal », et qu’une femme n’est pas censée avoir d’organes génitaux masculins.

La France est complice de la transphobie

Si en France la transphobie est punie par la loi, force est de constater que des magazines comme Valeurs actuelles se permettent de faire des unes étiquetées « le Délire Transgenre » sans s’inquiéter des répercussions. Pour la droite française, nous existons que lorsqu’on nous instrumentalise pour cracher sur les minorités ethniques. Ce qu’il s’est passé avec Julia et la récupération médiatique le montre.

Dans les médias, les représentations que l’on a sur la transidentité — enfin celles connues du grand public — est toujours couvertes d’un point de vue cis. Le souci, c’est que les films à l’affiche (comme A Good Man ou Miss) n’ont pas été fait par des personnes concernées.

En France, je trouve cela malaisant, parce que ça me donne l’impression qu’il y a un fantasme construit autour de nos corps, et de notre parcours. La dysphorie est romantisé, la vision des relations est souvent hétéro-centré, et les personnages transgenres obéissent à des codes pour plaire aux personnes cis.

Le pire ? C’est lorsque ce sont des personnes cis qui jouent des personnes  transgenres… Par exemple dans « A Good Man », le personnage principal est tenu par une femme cis-genre, alors que l’histoire se centre sur un homme TRANS. UN HOMME.

Les cas : Miss et A Good Man

Est-ce que j’ai besoin de détailler le problème ?

Ce n’est pas qu’une question de choper des cookies pour se faire une bonne place en milieu queer, c’est juste répercuter la transphobie sous couvert d’un film soi-disant progressiste. Il existe des acteurs et des actrices transgenres. La réalisatrice s’étant même vantée d’avoir pris un acteur transgenre comme second rôle. Mais pour le protagoniste principal, elle a préféré UNE ACTRICE. Au fond, ça démontre bien qu’elle n’a pas saisi le problème. Et qu’elle considère inconsciemment — ou non — que les hommes transgenres ne sont pas des hommes.

La France a du retard.

Les USA et les personnes transgenres

Pour vous donner un exemple, et raccrocher cet article à la culture populaire, savez-vous que cela fait un moment que Marvel et DC Comics décident d’inclure des personnages transgenres dans leurs Supers-Héros ? Chez Marvel, nous avons Sera, née à Heven — l’un des Royaumes d’Asgard. Elle est membre des Anchorites qui sont des anges masculins.

Lorsque nous voyons le personnage de Loki dans Thor, il n’est pas étonnant qu’une femme comme Sera apparaisse dans cet univers. De plus, savez-vous que chez les Vikings — dont est inspirée la série Thor —, nous avons retrouvé des traces de personnes transgenres ? Je ne pense pas que ce soit anodin de voir Sera en tant que femme transgenre dans ce comics en particulier.

Sera, héroïne transgenre de l'univers Marvel pour parler de Transphobie

C’est depuis peu que nous voyons une poignée de personnages transgenres apparaître dans la culture populaire. Comme c’est le cas avec The Last of Us 2, avec Lev. D’ailleurs, c’est un homme transgenre qui le double, Ian Alexander. Entre autres, il a joué Vic, un jeune homme transgenre du film Every Day…. Quand je disais que la France a du retard, ce n’est pas pour rien.

Pose de Ryan Murphy dénonce la transphobie et le racisme

Représenter des personnages transgenres à l’écran n’est pas si difficile. L’on dirait que les États-Unis le font plus facilement qu’en France, en plus de donner les rôles de ces personnages-là aux acteurs et actrices concernées. Prenons la série Pose de Ryan Murphy, par exemple.

Cette série met en scène le plus gros casting de personnes LGBTQIA+ qu’on ait vu, et plus précisément de personnes transgenres. Pose est une série nécessaire et accessible aux personnes non concernées par les luttes LGBTQIA+. La série se passe en 1980 et se centre sur des femmes transgenres racisées. On donne la parole aux personnes concernées, et surtout à une minorité qui est très peu présente au cinéma. 

Une Drag Queen pour parler de la série Pose et de Transphobie

Une sorte de Mea Culpa, quand on voit le traitement qu’avaient les femmes transgenres dans les films. Tels que Psychose ou Bufalo Bill. Pour rappel, les deux tueurs en séries se font passer pour des femmes, afin de commettre leurs meurtres. On a inculpé l’idée que les femmes transgenres étaient en vérités des sadiques masculins.

S’ils s’inspirent de Ed Gein, un tueur en série américain des années 1950 qui avait pour habitude d’utiliser la peau de ses victimes féminines comme vêtement, il n’en reste pas moins que ces films ont inconsciemment mis dans la tête d’autrui que les femmes transgenres étaient des hommes pervers se travestissant. Ce n’était pas le but ? Qu’importe, le mal a été fait.  

La stérilisation forcée en France

Dans tous les cas, la transphobie continue de tuer. Au-delà des meurtres, elle se manifeste de façon insidieuse au sein de la société. Le simple fait que des journalistes français se permettent d’écrire des  articles transphobes sans s’inquiéter des répercussions le démontre. En 2017, la Cour européenne des droits de l’homme condamne la France.

Jusqu’en 2016, les personnes transgenres devaient se faire stériliser pour changer d’état civil. Désormais, il faut passer devant le Tribunal, ce qui est certes moins pire qu’avant, mais toujours problématique.

Enfin, le milieu médical est transphobe, et les soignants pensent encore qu’être transgenre vient d’une pathologie mentale. Les thérapies de conversion ont été interdites qu’en octobre 2021. Et le COVID n’a fait qu’aggraver la situation.

Internet et transphobie

Quant aux personnes non-binaires, nous n’existons simplement pas ou quasi peu dans les médias.

Lorsque la France a entendu parler pour la première fois de nous, c’était lors de l’émission « Arrêt sur Image » qui avait invité l’association Inter-LGBT.

L’un des membres a expliqué être une personne non-binaire, et cela a déclenché une vague d’homophobie et de transphobie. Internet n’a pas fait que « détourner » la situation via des memes.

Un meme plein de Transphobie avec écrit : je ne suis pas un homme monsieur

Internet s’en est servi pour cracher son homophobie et sa transphobie sous couvert de l’humour. À l’époque, le compte Twitter les Produits laitiers s’en est même servi pour se faire de la publicité. J’étais encore dans le placard à l’époque, et cela n’a fait que retarder mon coming-out. L’une de mes craintes étant qu’on me sorte que je suis un hélico de combat.

Je me souviens la première fois que j’ai utilisé Tik Tok de ma vie. L’une des premières vidéos que j’ai vues, c’était celle d’une femme cisgenre disant que son chien était le premier chien non-binaire de France. Est-ce que là aussi, j’ai besoin d’expliquer à quel point c’est violent ?

Nos existences vous dérangent

La vérité, chers cis, c’est que nos existences vous dérangent. Parce que vous vous sentez menacé d’une façon ou d’une autre. Nos simples existences remettent en cause les normes binaires dans lesquelles la société a été bâtie.

Surtout, elles mettent en évidence leurs fragilités. Les personnes transgenres et non-binaires existent depuis longtemps, et certains pays incluaient jusqu’à cinq genres. C’est la venue du christianisme qui est venu effacer nos traces de l’histoire.

Une sculputre de moine montrant ses seins, il s'agit d'Eugène-Eugénie pour parler de Transphobie
Eugène-Eugènie était un moine transgenre, représenté à Vézelay et a été effacé des textes sacrés

Vous êtes confrontés à la différence, vous y réagissez primitivement par la peur et le rejet, plutôt que de vous interroger. Nous luttons pour avoir les mêmes droits que vous, et vous vous sentez menacés. Vous considérez qu’il y a une « pandémie » de transgenres, car la parole se libère, et que nous prenons peu à peu de la place dans l’espace public. Cela vous confronte à vos propres insécurités.

Les médias et la société vous ont lavé le cerveau en vous faisant croire qu’être homosexuel ou transgenre était une maladie, et que les gens comme nous étaient dangereux pour votre sécurité.

La vérité est pourtant là, je l’ai démontré tout au long de l’article ; les personnes étant en danger, ce n’est pas vous, c’est nous. On ne menace pas vos vies parce que vous êtes cis. Mais nous n’oublions pas nos adelphes, assassinés par votre transphobie.

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